Les avocats du capitaine Moussa Dadis Camara continuent leurs plaidoiries au procès du massacre du 28-Septembre 2009 qui se déroule au tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’appel de Conakry. Ce mercredi 19 juin, l’un d’eux a jeté l’anathème sur le rapport de la Commission d’enquête internationale mise en place par l’ONU au lendemain des tristes événéments.

Maître Jean Baptiste Jocamey Haba tient à “démonter” l’accusation contre l’ancien président de la transition de 2009 sous le règne duquel le massacre a été perpétré. Durant trois jours, l’avocat attaque point par point les actes de l’accusation qui selon lui ne sont pas imputables à son client.  Du complot international ourdi contre l’ancien chef d’Etat, aux mesures prises pour ajourner le meeting de l’opposition,  aux actions posées après le massacre, jusqu’à la tenue de ce procès, Me Jocamey Haba assure qu’il a fait tout ce qui devait l’être pour bien gérer la crise. Mais qu’il a finalement été vaincu parce qu’il s’était attaqué à des intérêts, notamment des barons de la drogue et des “assoiffés du pouvoir”.

Selon lui, Dadis était attentif aux suggestions et conseils de ses collaborateurs.Il ne saurait donc être ni l’auteur encore moins le commanditaire des crimes commis ce jour. Pour preuve,  il rappelle que le capitaine Moussa Dadis avait mis en place une Commission d’enquête nationale et aurait en personne demandé aux Nations Unies d’envoyer une Commission d’enquête internationale, pour faire la lumière sur les crimes commis. Même si l’avocat dit être déçu du travail “ bâclé” qui en a résulté.

Rejet du rapport d’enquête internationale

Aux yeux de Maître Jocamey Haba, le rapport d’enquête internationale n’est pas crédible. Il demande au tribunal de le rejeter. Même que c’est pour cette raison que le ministère public et la partie civile ont renoncé à des infractions (de complicité de meurtre, d’assassinats, de vol) contenues dans l’ordonnance  de renvoi. « Ce rapport n’est pas crédible parce qu’il est lié à des considérations générales, détaille-t-il. C’est un mariage entre l’ONU et la communauté internationale. » Et de relever des contradictions: « Le rapport d’enquête internationale, en parlant de 157 personnes, cumule les morts et les disparus. Les corps des 67 personnes tuées ont été rendus.  Cela vient corroborer les informations que le gouvernement avait données à l’époque. Donc nulle part, contrairement à ce qui a été dit dans cette salle, le rapport ne parle de nombre élevé de morts. »

Il n’existerait nulle part dans le rapport une liste exhaustive de 156 personnes tuées ou disparues avec leurs noms de famille, prénoms et filiations. « Le rapport se contente de parler de manière saugrenue de 156 personnes tuées et disparues. Alors que c’est un rapport censé être fait par des enquêteurs de niveau international pour prouver la véracité des faits et leur imputabilité. La Commission affirme qu’il y a eu 40 personnes mortes constatées au Stade ou dans les morgues. Vous devrez vous demander comment une foule en débandade peut-elle compter des personnes qui tombent et d’en déterminer celles qui sont mortes. Elle dit aussi qu’il y a eu 49 autres dont le sort reste inconnu. En réalité, la Commission s’est retrouvé devant un dilemme simple. »

Face à de telles contradictions, estime l’avocat de Dadis, le rapport ne peut pas servir de fondement à une réqualification des faits.

Des ONGs “appendices”

Maître Jean-Baptiste Jocamey Haba pointe également l’absence de fausses communes. « La vérité est que la première personne à déclarer 157 morts à la date du 28 septembre 2009 est le président de l’OGDH, feu  El Hadj Thierno Madjou Sow. Je vous ai dit que ces ONGs n’étaient que des appendices des partis politiques, de la FIDH qui elle-même est l’appendice d’un État. Il a avancé ce chiffre sans aucune enquête nationale et internationale indépendante. » Puis, le bilan aurait été repris par les médias nationaux et internationaux, les réseaux sociaux… et confirmé par les Nations Unies et la communauté internationale. « Voilà pourquoi les enquêteurs vont avoir des difficultés, parce que le chiffre était déjà mémorisé. Ils ne pouvaient pas démentir ce qui a déjà été acté, sans aucune vérification, par une ONG guinéenne partie à ce procès. »

Me Haba assure que les cas de viols et de violences sexuelles ont été gonflés pour décrédibiliser et mettre en mal le gouvernement d’alors aux yeux du monde.  L’avocat du capitaine Dadis a dénoncé ce qu’il appelle le caractère sélectif du procès, en accréditant une supposée implication du général Sékouba Konaté. Il déclare que le ministre de la Défense au moment des faits était familier aux Ulimo, groupe rebelles liberiens qui étaient basés à Macenta (où Konaté avait servi). « Feu Jean Marie Doré, ancien leader politique, avait dit que le mode operandi de ce massacre ressemble à celui des Ulimo. La seule personne qui est à même de reconnaître cela, c’est bien le général Sékouba Konaté qui était à Macenta. Il n’a pas été appelé parce qu’il était protégé », tacle l’avocat de Dadis. « En réalité, 57 corps ont été identifiés et transportés à la mosquée Faycal, dont 53 civils et 4 bérets rouges, poursuit-il. Après des prières, ces corps ont tous été remis à leurs familles et enterrés dignement. » 

Maître Jean-Baptiste Jocamey Haba poursuit sa plaidoirie et ne compte pas s’arrêter de sitôt parce que, dit-il, il laver l’honneur d’un ancien chef d’Etat dont on a souillé la réputation.  

Mamadou Adama Diallo