La communauté musulmane se prépare à célébrer l’Aïd-El-Kébir ou Tabaski le 16 juin. L’effervescence est à son comble en Guinée dans les marchés du bétail et les gares routières de Cona-cris, notamment. Cette fête, marquée par l’immolation d’animaux, voit chaque année une ruée vers les parcs à bétail et une migration temporaire vers l’arrière-bled.

Jeudi 13 juin, saut dans quelques parcs de Cona-cris : Yembéya, Kamiliah et Tannerie, des lieux bondés d’humains et d’animaux, ovins et bovins notamment. À Yembéya, le parc, habituellement étendu sur 300 mètres, a triplé de taille pour accueillir de nombreux animaux. Mais les prix sont élevés, selon bien des clients. Les vaches coûtent entre six et dix millions de francs glissants. Les moutons, importés en nombre du Mali, se négocient entre 1,5 et six millions de francs glissants, contre un et trois millions pour les moutons locaux.

Amadou Djouldé Diallo, vendeur du bétail, explique que les prix élevés sont en partie dus à la fluctuation des devises et à la concurrence malienne. Avec un budget de 200 millions de francs glissants, il a exploré le marché malien, pour importer du bétail. « Les prix augmentent à cause de la concurrence et de la surenchère au Mali », précise-t-il. Même s’il souligne qu’après la fête, les bêtes restantes pourraient être vendues à des prix réduits.

Mamadou Tahirou Baldé, accompagné de son frangin, a déboursé 2,7 millions de francs glissants pour une chèvre. Il se plaint de la cherté du bétail cette année, soulignant que l’an dernier, une chèvre similaire coûtait 2 millions. « La crise est énorme. Nous sommes obligés d’importer du bétail, car l’offre locale est insuffisante. Il est essentiel que les autorités soutiennent les éleveurs locaux souvent victimes de vols, afin que chaque Guinéen puisse s’offrir un bélier, pas que pour la Tabaski, mais pour tout autre besoin. »

De la ruée vers l’arrière-pays

À l’approche de l’Aïd-El-Kébir, les gares routières de Cona-cris, sont prises d’assaut par des voyageurs désireux de rejoindre leurs familles au village. À Bambéto, la situation est particulièrement critique. Les tarifs de transport restent inchangés. Par exemple, le trajet Conakry-Labé 180 000 GNF pour les taxis et 150 000 GNF pour les minibus, mais difficile de se trouver un teufteuf. Mamadou Alpha Bah, cherche à rejoindre Labé pour la fête à partir de la gare-routière de Bambéto. Il est 11h passées, il n’a toujours pas trouvé où monté à bord, avec son frangin. Face à la nombreuse clientèle, les taxis sont rares. « Il y a du favoritisme. Il faut connaître les bonnes personnes pour s’embarquer. Nous sommes ici depuis l’aube, malgré cela, on voit des gens passer des coups de fil et partir avant nous », déplore-t-il.

Alsény Sylla, syndicaliste, assure que les tarifs n’augmenteront pas, malgré l’afflux massif de voyageurs. Les chauffeurs, en revanche, peineront à trouver des passagers pour le voyage retour. D’où l’hésitation de certains d’entre eux, à prendre la route pour l’arrière-pays. « Une fois à Labé, on ne trouve pas de clients pour Conakry, c’est pourquoi les chauffeurs ne reviennent pas. C’est une perte pour nous de revenir vide », explique Alpha Mamadou Lamarana Bah, chauffeur qui est à son cinquième voyage entre Labé et Conakry (plus de 400 km) depuis le début du mois. Selon lui, peu de chauffeurs se permettent de revenir à Conakry vide, pour convoyer d’autres passagers. «Ceux qui doivent verser des recettes n’osent pas le faire», affirme-t-il. Il appelle les voyageurs à plus de patience.

Prudence sur la route

Cette migration temporaire vers l’intérieur du bled n’est pas sans risques. Le mauvais état des routes, l’imprudence de certains chauffeurs et l’insécurité due aux coupeurs de routes causent souvent des drames. La dégradation de la route entre Mamou et Labé augmente les risques d’accidents souvent tragiques. Lamarana Bah déplore l’insécurité routière. « Les routes sont impraticables, et nous faisons face à des attaques par des coupeurs de routes chaque jour. Nous ne pouvons plus rouler la nuit, en toute sécurité. »

A se demander si la Brigade mobile prompte à racketter les chauffeurs n’est pas devenue brigade immobile. Bonne fête quand-même !

Abdoulaye Pellel Bah