Pendant que les Etats membres de la CEDEAO se réunissaient à Abuja, ceux de l’Alliance des Etats du Sahel les défiaient à Niamey par un contre-sommet. Le trio a fait baisser l’échine des onze. Pire, ils ont dépêché un néophyte-qui a accédé au palais par le bulletin de vote-pour persuader ceux qui y ont accédé par la kalachnikov.
Des élus ramper à quatre pattes pour supplier des putschistes de s’associer à eux, constitue plus qu’une incongruité de la part de l’organisation ouest-africaine. C’est le contraire qui aurait dû se passer. Mais c’est s’il n’y avait pas un décalage entre les critères théoriques et cette organisation et la pratique. L’Afrique est le seul continent du village planétaire où des pays que tout oppose s’associent. Ou font semblant. En Asie, il y a la Ligue Arabe et les Etats du sud-est asiatique. Tous les pays du vieux continent ne sont pas membres de l’Union européenne. Pour obtenir ce statut, il faut se lever de bonne heure. Il en est de même pour l’Amérique où des pays comme Haïti ou le Honduras n’ont rien de commun avec les Etats-Unis ou le Canada. Bref, la CEDEAO est à l’image de l’OUA devenue l’UA (Utopie africaine).
La CEDEAO était composée de 15 pays après le retrait de la Mauritanie. De ces quinze, il y a cinq anglophones (Nigeria, Ghana, Sierra Leone, Liberia, Gambie), dirigés par des élus. Le plus souvent, suite à une alternance qui n’a fait l’objet d’aucune contestation. Il y a deux Etats lusophones, avec à leur tête des élus démocratiquement. Si le Cap Vert et la Guinée Bissau n’avaient de commun jusqu’à une période récente que la langue et l’histoire, désormais ils sont tous les deux des Etats où seul le bulletin de vote constitue le ticket d’entrée au palais présidentiel.
Il y a huit pays francophones. Parmi lesquels trois ont à leur tête des présidents élus. Le troisième mandat le suit comme son ombre, le prési y-voit-rien n’en demeure pas moins élu. A côté du pays de Nana Boigny, il y a le Bénin, considéré autrefois comme le laboratoire de la démocratie en Afrique francophone. L’actuel homme fort du pays a mis cette réputation à rude épreuve, mais son régime ne souffre d’aucune illégitimité. Et que dire du pays des Diambars. Auront été pris de court les afro-pessimistes et autres prophètes de malheur qui voyaient le Sénégal dans les sales draps de Macky. Les Sénégalaid ont donné une belle leçon de démocratie même au Nouveau monde où l’ancien et le probable futur locataire de la Maison blanche ont eu une attitude digne de celle que l’on connait sous les tropiques.
Voilà les dix pays qui devaient être les membres de la CEDEAO en cette année 2024 si l’organisation était régie par des critères objectifs et réalistes. Les autres, dirigés par des putschistes, devaient avoir des dirigeants désignés par les citoyens et pour les citoyens avant de redevenir membres à part entière de cette organisation. Malheureusement, cette dernière encourage d’une manière ou d’une autre les coups d’Etat. Le pouvoir devait être une patate très chaude entre les mains des putschistes afin qu’ils se demandent comment s’en débarrasser. Mais ce qui se passe, c’est que, en dépit de leur forfaiture, on les caresse dans le sens du poil. Bassirou Diomaye Diakhar Faye devait dire à ses pairs que ceux qui l’ont élu n’accepteraient ni ne comprendraient qu’il se plie en quatre devant un putschiste. C’est une insulte à la démocratie. Il aurait dû laisser le sale boulot à l’adepte de la monarchie constitutionnelle, le Togolaid Faure Eyadémon.
Si notre CEDEAO se voulait une organisation dynamique qui sanctionne positivement ou négativement, le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la Guinée seraient à se remettre à la démocratie avant de réintégrer l’organisation. Mais, celle-ci, anxieuse de voir un quatrième membre de l’AES, estime que la transition se déroule bien en Guinée. De quelle Guinée parle-t-on ? Peut-être de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Pas de celle qui se trouve à l’ouest du continent noir.
Avec, entre autres, le brouillage des ondes, suivi du retrait pure et simple des agréments de trois radios et télévisions qui tentaient d’émettre un autre son de cloche que celui du palais, on se demande bien de quelle Guinée il s’agit. En tout cas, ce n’est pas dans celle où le nouveau Premier ministre vient de rendre officiel l’impossible respect de l’accord signé avec la CEDEAO. La transition se passe bien dans un pays où les deux principaux leaders de l’opposition sont en exil ! L’un a regagné Abidjan la mort dans l’âme, du haut de près de 30 ans de combat politique. L’autre, qui a battu le pavé pendant les 11 ans de règne d’Alpha Grimpeur, a fini par devenir un SAF, errant de pays en pays. Ce n’est pas non plus cette Guinée où les activistes de la société civile, sortis de prison après le 5 septembre 2021, sont encore arrêtés et conduits pour une destination inconnue.
C’est peu dire que la CEDEAO joue sa crédibilité. Elle l’a perdue. Elle joue désormais sa survie. Après avoir cautionné, en fermant les yeux sur le troisième mandat, elle fait les yeux doux aux putschistes.
Habib Yembering Diallo