Depuis Alpha Condé, le pouvoir a réussi la prouesse de faire de Foniké Manguè, jusque-là un parfait inconnu, une icône de la Société civile guinéenne, voire un martyr. Hors de son cercle d’amis et famille, qui avait entendu parler de ce jeune activiste pugnace de la société civile, à l’époque réduit à sa simple expression d’Oumar Sylla. Ses interprétations répétées, ses arrestations nombreuses et tumultueuses l’ont enhardi, endurci et rendu populaire. Il fait désormais la Une des médias nationaux et internationaux. Son audience est audible bien au-delà des frontières de notre pays.
L’histoire est encore en train de bégayer. On se souvient qu’à travers les condamnations répétitives à mort par contumace, de ses opposants vivant à l’extérieur, Sékou Touré avait fait d’eux des martyrs et développer en leur faveur une opération de communication extrêmement efficace. Il avait adoubé des leaders de l’opposition tels que Siradiou Diallo, Ibrahima Baba Kaké, Dr Charles Diané, Diallo Tout Passe, David Soumah, Alpha Condé etc. en les abreuvant d’opprobres. La récurrence des accusations avaient fini par lasser les populations qui n’y croyaient plus.
Après la mort de Sékou Touré et la fin de la révolution, en 1984, ces différents leaders revinrent au pays, en héros, précédés d’une solide réputation. Lorsqu’ils prirent la décision en 1992 de créer des partis politiques, ils n’eurent pas de difficultés à convaincre des milliers de leurs compatriotes à les rejoindre. Ce sont ceux de qui la propagande révolutionnaire parlait sans cesse qui continuèrent les plus grandes formations politique de l’opposition, à savoir le Parti du Renouveau et du Progrès (PRP Siradiou Diallo), le Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG, Alpha Condé), l’Union pour la Nouvelle République, (UNR Bâ Mamadou).
Ce détour est nécessaire pour susciter la recherche de solutions qui ne soient pas toujours de confrontations, mais parfois de rapprochement sans exclure la coercition, autant que faire se peut. Je crois qu’il faut, par moments, évaluer les solutions employées pour résoudre l’équation Foniké et FNDC. Pourquoi continuer à recourir aux recettes éculées qui n’ont pas jusqu’ici permis à l’Etat de les réduire au silence et de les discipliner ? Il faut sortir des sentiers battus pour aller chercher les solutions idoines dans les dynamiques de préservation et de consolidation de la paix, que sont le processus de réconciliation nationale et les dialogues inter-guinéens inclusifs. Ces dynamiques ont produit des nombreuses recommandations qui ont été consignées après leur restitution en atelier dans des rapports. Leur bonne mise en œuvre dans un esprit positif qui privilégie le consensus et l’intérêt collectif peut apporter des solutions qui satisfont les uns et les autres.
Le développement et le désordre sont antinomiques. La persistance du cas Foniké Menguè oblitère l’image d’Etat apaisé de la Guinée. Si les autorités décident de la résoudre dans un esprit d’apaisement, de pardon et de réconciliation, cela requiert beaucoup d’abnégation de tous les acteurs nationaux, d’un sens élevé de l’Etat et de l’intérêt collectif, mais aussi et surtout un égo raisonnable, à l’écoute de la société. Tout cela n’exclut pas à associer aux dynamiques tous ceux dont les propos et les comportements peuvent positivement les impacter.
Abraham K. Doré