Après l’avoir adopté à huis-clos le 26 juillet, le Conseil national de transition (CNT) a présenté le lundi 29 juillet l’avant-projet de nouvelle constitution. La mouture, qui fera l’objet de débats et d’amendement avant sa soumission au référendum courant cette année, apporte quelques changements aux textes jusque-là en vigueur en Guinée.
Ces innovations ont trait, par exemple, aux conditions d’éligibilité à la fonction présidentielle en Guinée. Au compte du critère d’âge, le candidat doit avoir au minimum 35 ans et au plus 80 ans. Cette limitation évoquée lors de l’élaboration de la constitution de 2010 avait fini par sauter, pour le grand bonheur notamment du candidat du RPG d’alors, Alpha Condé. Si le nouveau texte de 205 articles est adopté, il exclurait l’ancien président exilé à Istanbul (Turquie) et qui rêve de revenir aux affaires.
Aujourd’hui à 79 ans, Sidya Touré de l’UFR semble également rattrapé par la limitation d’âge. Quant à Cellou Dalein Diallo, il dispose encore de huit ans devant lui pour parvenir à la fonction présidentielle derrière laquelle il court depuis bientôt quinze ans.
Désormais, avec l’avant-projet de nouvelle constitution, les partis politiques ne disposent pas de l’exclusivité de la compétition électorale. La candidature indépendante est possible à tous les scrutins, y compris celui présidentiel, à condition que le candidat réunisse le nombre de parrainages nécessaires. Le texte réitère également la limitation à deux le nombre de mandats présidentiels. Avec comme nouveauté, celui qui a atteint ce nombre ne peut, de son vivant, plus candidater pour quelque raison que ce soit. Reste à savoir si ce verrou sera plus résistant que celui de la constitution de 2010 qu’Alpha Condé avait fait sauter pour briguer son troisième mandat en 2020.
Parlement bicaméral
Le débat télévisé s’impose également comme une obligation pour les candidats à la présidence. Alpha Condé ne l’avait pas voulu au second tour de la présidentielle de 2010. La double nationalité est considérée comme étant incompatible avec la fonction présidentielle. Et le président de la République est contraint d’y renoncer.
Pas de grand changement avec la fonction de Premier ministre. S’il demeure chef du gouvernement et qu’il propose au président les membres de son gouvernement, il ne dispose toujours pas du pouvoir de leur nomination. Le CNT a toutefois insisté sur le fait que ordres doivent être exécutés au doigt et à l’œil par ses ministres. Difficile de ne pas y voir une manière de prévenir l’insubordination dont a fait montre l’ancien ministre de la Justice Alphonse Charles Wright à l’égard de son patron Bernard Goumou. Mais est-ce suffisant quand le Premier ministre et son équipe sont nommés par le même décret présidentiel ?
Quant au pouvoir législatif, il devient bicaméral dans l’avant-projet de constitution, avec une Assemblée nationale et un Sénat. Les députés sont tous élus, suivant le traditionnel mode de scrutin uninominal et celui à la proportionnelle. Alors que les sénateurs sont désignés suivant une procédure mixte, alliant élection (des deux-tiers par les conseillers régionaux et communaux) et nomination (de l’autre tiers parmi les entités socio-professionnelles les plus représentatives et les personnes ressources compétentes) par le président de la République. Les rôles du Sénat sont notamment d’émettre des avis sur les nominations du président aux emplois civils et militaires, de promouvoir la paix et prévenir les conflits, ainsi que de servir de gardien des us, coutumes, des valeurs morales et traditionnelles guinéennes.
En cas de haute trahison…
Quant à l’Assemblée nationale, outre voter des lois, elle disposera du pouvoir de censurer le gouvernement et de contraindre le président de la République à la démission. En même temps, ce dernier est habilité à la dissoudre, mais pas avant trois années d’exercice. Le mandat de l’Assemblée nationale reste inchangé (cinq ans) et celui du Sénat y est fixé à six ans. Des précautions d’équilibre des pouvoirs inopérants, si à la base les élections sont truquées. Des députés ou sénateurs mal élus resteront toujours sous les bottes de l’Exécutif qui les a cooptés.
Au niveau du pouvoir judiciaire, la nouveauté réside dans la création d’une Cour spéciale de justice, dont la principale mission sera de juger le président de la République, le Premier ministre et les ministres, pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leurs fonctions, en cas notamment de haute trahison : violation de serment (parjure), apologie de la haine ou de l’ethnocentrisme…
A compter du 31 juillet jusqu’en septembre, le Conseil national entend recevoir les différents acteurs nationaux (pouvoir, partis politiques, société civile, médias, forces armées…) pour débattre de l’avant-projet de nouvelle constitution, en vue de recueillir leurs remarques et suggestions. A partir de septembre, les conseillers sillonneront le pays pour se prêter au même exercice avec les Guinéens de l’arrière-pays. Reste à savoir, si après tout cela, il restera du temps pour organiser le référendum constitutionnel courant 2024, comme l’a promis le président de la transition, Mamadi Doumbouya.
Diawo Labboyah Barry