Construite en 1725, en même temps qu’on entérinait la mise en place du royaume du Fouta théocratique, la mosquée de Timbi-Tounni vient d’être réouverte après sa reconstruction-extension. La cérémonie a réuni, samedi 21 décembre, des milliers de personnes venues de partout de la région Moyenne-Guinée et au-delà.
C’est à Timbi-Tounni que Labé et Timbo s’étaient donné rendez-vous pour convenir de la subdivision du Fouta théocratique en neuf diiwès (provinces). Cette assemblée constitutive du royaume, tenue en 1725, fut immortalisée par trois tertres (buttes) formés par des mottes de terre déposées pour marquer la présence de chaque participant et symbolisant l’unité du nouvel État théocratique, lequel se désintégrera seulement à la pénétration coloniale française des années 1890.
Situés au cœur de la cité administrative de Timbi-Tounni, les trois tertres sur lesquels sont inscrits les noms des trois principales provinces fondatrices (avec Labé au nord, Timbo à l’est et Timbi à l’ouest) font encore l’objet de visite touristique, quoique quelque peu envahis par une urbanisation anarchique. Ce fut encore le cas ce jour d’inauguration.
Sous haute sécurité
La mosquée de Timbi-Tounni réouverte ce 21 décembre n’est donc pas une ordinaire maison de Dieu. C’est un monument de trois siècles d’histoire, célébré à travers une cérémonie inaugurale qui a mobilisé des milliers de participants. A pieds, motos ou véhicules, ces derniers ont accouru de partout dès la levée du jour. Police, gendarmerie, protection civile, Croix-Rouge, ambulance…les organisateurs, que sont l’Association pour le développement de Timbi-Tounni (ADTT) et l’Association pour le développement de Pita (ADP), ont déployé les grands moyens…échaudés par le drame du 1er décembre à Nzérékoré ? Toujours est-il que l’accès des véhicules était limité, subordonné à la présentation d’un badge.
Les 17 km de route entre le centre-ville de Pita et le chef-lieu de sous-préfecture ont été retapés pour la circonstance, semble-t-il à la demande du leader politique Bah Ousmane auprès de Guicopres. L’occasion faisant le larron, l’entreprise de BTP de l’homme d’affaires KPC a ses engins déjà mobilisés pour la voirie urbaine de la préfecture. La veille et le jour de la cérémonie, la piste latéritique (partie intégrante de la Route nationale numéro 22 reliant Pita à Télimélé) a été constamment arrosée par des citernes d’eau, pour atténuer la poussière.
Le stade sous-préfectoral El Hadj Thierno Mamadou Alimou Bah, qui a servi de cadre à la célébration, était paré de grands portraits de Mamadi Doumbouya et de messages de bienvenue. Invité, l’arrivée du président de la transition était pressentie. Mais ce dernier s’est fait représenter par son conseiller Yaya Sow, ancien ministre des Infrastructures ; alors que le secrétaire général adjoint aux Affaires religieuses, El Hadj Ibrahima Ousmane Bah, s’est fait le porte-parole du chef du gouvernement Bah Oury. Avec le gouverneur de la région administrative de Mamou, le colonel Aly Badra Camara, les officiels ont prêché la paix et la cohésion sociale. « On ne sera de bons musulmans sans l’amour du prochain, l’unité et la fraternité », a abondé pour sa part El Hadj Mamadi Bamba Doumbouya, représentant la famille présidentielle et porte-parole des autres régions naturelles (Basse-Côte, Haute Guinée et Guinée forestière). Il a présenté le quartier Timbo, dans la commune urbaine de Kankan, comme symbole autrefois du jumelage entre le Fouta et le Manding.
Historique de la mosquée
Dressant l’historique de la mosquée de Timbi-Tounni, El Hadj Kindy Bah, enseignant à la retraite, révèle que les premiers muezzins appelaient à la prière dans une coquille d’escargot. Quant à l’emplacement de la maison de Dieu, Thierno Souleymane Thioro de la dynastie des Hélaayaabhè et ses compagnons des celles des N’Douyeebhè, Boubouyaabhè ou encore des Bayaabhè ont mis l’accent sur un lieu facile d’accès et arrosé par des sources ou points d’eau. La « mosquée était en banco, le toit couvert de paille renouvelable tous les neuf ans ». Le 14 juillet 1967, les travaux pour sa reconstruction en dur ont été lancés. L’occasion mise à profit pour rendre hommage aux illustres maitres d’œuvre disparus : El Hadj Amadou Bah dit El Hadj Bah Tata (maçon) ; El Hadj Mamoudou Camara (menuisier) et leurs équipes, qui se sont investis presque bénévolement.
L’événement s’est terminé par la lecture du Saint Coran, des prières et bénédictions, la coupure du cordon inaugural, ainsi que la visite des lieux touristiques.
Diawo Labboyah Barry
Envoyé spécial