Le moins que l’on puisse dire est que Me Mohamed Traoré n’a pas rendu service à certains de ses anciens collègues du CNT. Avant même la démission du célèbre avocat et ardent défenseur de l’État de droit et de la démocratie, les conseillers semblaient soumis à une forte pression de la toile. Partisans et adversaires de la junte leur lançaient un défi. Les uns demandant leur démission, les autres ironisant sur « le beurre et l’argent du beurre ».

Depuis la décision de l’avocat, la pression s’est accentuée. Les partis politiques, dont les leaders sont la bête noire de la junte, exigent de leurs représentants la clé sous le paillasson. L’ANAD en fait de même. Les conseillers sont au pied du mur. Ne sachant à quel son se vouer. Certains veulent obtempérer, d’autres se rebeller. Devenant  « des traîtres ou des convertis » pour parler comme Georges Clémenceau : « Un traître est celui qui quitte votre parti pour s’inscrire dans un autre. En revanche, un converti est celui qui quitte son parti pour s’inscrire au vôtre. »

Dans sa lettre de démission, Maître Traoré plante le décor. Au terme de l’accord entre la communauté ouest africaine et la Guinée, la transition devait prendre fin le 31 décembre 2024. Il n’en a rien été. Rien ne semble en indiquer la fin dans un proche avenir. D’ailleurs, les thuriféraires, qui envoient le doigt pour voir s’il passe avant que le CNRD n’envoie tout le bras, estiment qu’il ne s’agit pas désormais d’une transition, mais d’une refondation. L’assertion n’a jamais été démentie par les nouveaux princes qui nous gouvernent.

Cela veut dire que les larbins disent tout haut ce que leurs bienfaiteurs pensent tout bas. Or, s’il n’y a plus de transition, à quoi sert un organe qui porte ce nom ? Même si dans son discours du 31 décembre, le Général désarmé a promis des élections cette année. Pour nombre d’observateurs, la Guinée est plutôt dans la logique du discours que l’officier avait prononcé en septembre 2023 devant l’Assemblée générale des Nations Unies à New York. Mamadi Doum-bouillant avait dit tout le mal qu’il pense de la démocratie occidentale. Estimant que cette forme de gouvernance n’est pas adaptée sous les tropiques.

Pour sa part, le représentant du Barreau guinéen au CNT a lancé un véritable pavé dans la mare. Sa démission pourrait indiquer la direction de notre démocratie. Dans les prochaines années. Si d’autres conseillers lui emboîtent le pas pour secouer le cocotier, Dansa et le CNRD pourraient revoir leur copie. A contrario, la démission de Me Traoré servira de prétexte à certains CNTêtards endurcis pour cracher sur les politicards qui avaient fait d’eux des parlementaires par défaut, à leurs crocs défendants. Ainsi, le CNRD et le CNT réaliseront leur promesse du 5 septembre 2021 de faire l’amour à la Guinée sans aucun vernis démon-crac-tique.

Malheureusement, la deuxième hypothèse risque de se faire plus plausible. Et pour cause, si l’acte de maître Mohamed Traoré est jugé héroïque, c’est bien sûr par conviction. Par amour pour la patrie. Par soucis de faire de sa Guinée un État de droit. Mais c’est aussi parce que l’avocat ne figure pas parmi les CNTêtards alimentaires. Certainement rendre une voiture de fonction, remplir le panier de la ménagère n’empêchent pas les Traoré de dormir.  

Certains commencent à radoter que si la Guinée veut construire des institutions fortes, elle mettra à leurs têtes des femmes et des hommes forts, dignes, parce qu’à l’abri du petit besoin. Sans être dans le secret de nos Conseillés, on peut aisément imaginer que nombre d’entre eux, habitués à un nouveau standard de vie, se demandent si obtempérer aux injonctions de leurs leaders est « vraiment la solution ». La famille et les amis peuvent se demander si la démocratie et l’État de droit peuvent valablement servir de menu ou de cartes d’embarquement. Ils savent que ce n’est pas la démocratie que les épouses vont envoyer au supermarché. Ce n’est pas non plus elle qui réglera les honoraires du médecin à Paris et à New-York. Au contraire, l’Etat de droit complique à souhait les démarches pour un passeport diplomatique ou la gratuité d’un voyage inutile. Nous avons vu des « leaders » emprunter un taxi puis le 4X4 en un temps record.

 La loyauté à toute épreuve a un prix. La conviction, itou !

Habib Yembering Diallo