Bienvenue dans un pays où les calendriers ont des super pouvoirs ! Ici, une année peut s’étirer comme du chewing-gum, et une promesse électorale se métamorphoser, tel un caméléon. 

Le 31 décembre dernier, notre cher président de la transition nous l’avait juré, la main sur le palpitant et les yeux pleins d’étoiles : « 2025 sera une année électorale ! » On s’imaginait déjà en train de voter dans des bureaux climatisés, avec des bulletins parfumés et des urnes souriantes. 

Mais voilà que, récemment, le porte-voix du gouvernement, l’air sérieux, apporte un bémol.Qu’est-ce qui s’est passé entre-temps, en si peu de temps ? Une panne de calendrier ? Une grève d’horloge ? Ou bien 2025 a décidé de s’installer confortablement jusqu’en 2040 ? 

Ah, la Guinée ! Terre de contrastes et de paradoxes. On nous promettait une transition en douceur, un retour à l’ordre constitutionnel aussi ponctuel qu’un bus SOTRAGUI. Un bus fantôme qui, à force de se faire désirer, est devenu une légende urbaine. On est tous à l’arrêt, le nez dans le vent, à guetter son arrivée, pendant que le temps s’écoule et les pneus de nos espoirs se dégonflent. 

En réalité, on nous mijote une transition façon grand chef : une dose de refondation, une pincée de rectification institutionnelle, un filet de dialogue inclusif… le tout sauté dans une marmite d’incertitudes. Résultat ? Un plat qui mijote si longtemps qu’on ne sait plus s’il est encore comestible. Les convives – nous, pauvres citoyens affamés – tapent du pied sous la table, mais rien à faire. On nous sert un discours en guise d’amuse-bouche, puis on nous annonce que le plat principal sera prêt… plus tard. 

On nous la servira, cette spécialité africaine : la ratatouille de la transition éternelle, mijotée à feu doux jusqu’en… 2040 ? Elle sera servie sur un plateau Simandou, nappée d’une sauce « attendez encore un peu » et saupoudrée de « nous sommes sur la bonne voie ». Mais soyons honnêtes : ce plat-là, on semble l’avoir déjà goûté, et franchement, c’est indigeste ! 

Et comme si cela ne suffisait pas, nous voilà avec une autre scène surréaliste, un autre plat indigeste : la distribution gratuite de bazins. 

Si vous avez assisté à l’incroyable scène du 5 février 2025, vous savez de quoi je parle. Le bazin, ce tissu précieux, a fait l’effet d’un jackpot pour certains, d’une catastrophe nationale pour d’autres. Ce n’était pas juste une distribution gratuite de tissus, mes amis. C’était la scène d’un film catastrophe, où tout le monde essaie d’être le héros… sauf qu’au lieu de sauver des vies, on sauve des morceaux de bazin ! 

Imaginez la scène : des milliers de personnes, les yeux hagards, prêtes à bondir à la moindre annonce, à se jetter sur les boutiques comme si elles avaient trouvé un ticket pour un voyage en première classe. Le bazin, comme un trésor caché, est devenu l’objet de toutes les convoitises. On aurait dit une chasse au trésor, sauf que le trésor, ce n’était pas un coffre de pièces d’or, mais un simple morceau de tissu coloré. 

Là, tout se passe comme dans un film de course-poursuite : la foule se précipite, bouscule, tombe, et se relève aussitôt, prête à recommencer. On aurait dit un tournoi de rugby, où les joueurs sont en sandales. Et puis, c’est le drame. Une chute, un pied coincé dans un caniveau, un bras écrasé sous la masse humaine. Les courageux continuent de batailler, sans se préoccuper des blessés. 

Si vous n’aviez pas assisté à la scène, vous auriez cru à un remake de Mad Max. Sauf qu’ici, les voitures sont remplacées par des bras qui s’agitent pour attraper du tissu. 

Et quand tout est enfin dit et fait, après des heures de bousculades et de gestes héroïques, il ne reste plus grand-chose. Quelques morceaux de bazin, bien sûr, mais aussi des blessures, des pieds enflés, et cette étrange sensation d’avoir perdu un peu de dignité en chemin. Si le bazin était gratuit, la honte, elle, était optionnelle… mais largement offerte ! 

Parce qu’on nous le dit tous les jours : tout est annoncé gratuit en Guinée, même l’humiliation. Et ouais ! Contrairement aux bonnes intentions affichées, la distribution de ce tissu n’était pas un geste de générosité, mais un spectacle de cirque grandeur nature. À Cona-cris, on ne donne pas juste du bazin, on donne une leçon de patience, de stratégie et, surtout, d’endurance. 

Alors, que retenir de tout ça ? La Guinée, notre pays, où un simple bazin peut provoquer une révolution. Mais ne vous inquiétez pas, mes amis, la prochaine fois qu’il y aura quelque chose de gratuit, je serai prêt. Peut-être pas pour la bousculade, mais au moins pour ramasser les blessés. Parce que c’est dans ces moments-là qu’on apprend à connaître la vraie valeur du tissu… et des caniveaux. Hé kéla !

Wallahi, la Guinée est un pays attachant, malgré tout. Où le rire côtoie les larmes, l’espoir se mêle à la désillusion. Où l’on continue d’avancer, tant bien que mal, en attendant le bus qui n’arrive toujours pas. Mais qui sait, peut-être qu’un jour, il finira par arriver, ce fameux bus, et nous emmènera vers un avenir meilleur. 

En attendant, on continue de faire des blagues, histoire de ne pas sombrer dans le désespoir. Parce qu’après tout, « il vaut mieux en rire qu’en pleurer ». Et en Guinée, on a de quoi alimenter les deux. À Fakoudou !

Par Sambégou Diallo