L’espace de loisirs Belvédère (Dixinn) et des ateliers de sculpteurs environnants ont été démolis le 16 février, dernier jour du Festival du Lafidi. Les victimes des opérations de déguerpissement déplorent des pertes chiffrées à plusieurs millions de francs guinéens et menacent de saisir la justice.
Le samedi 15 février, le directeur de l’Aménagement du territoire et de l’urbanisme (DATU) et le maire de Dixinn, accompagnés des forces l’ordre, ont coché les lieux. Un préavis de 72 heures pour plier bagages a été donné aux occupants. Pendant ce temps, le Belvédère accueille la deuxième édition du Festival du Lafidi. Un événement qui vise à valoriser cette recette culinaire populaire, que des férus de la gastronomie guinéenne veulent inscrire au patrimoine mondial de l’Unesco.
Sauf que dès le lendemain, les équipements des festivaliers ont été démolis. Des ateliers de sculpture, de menuiserie et leurs contenus, itou. Les témoins indiquent que les démolisseurs ont investi les lieux nuitamment. Les tractations entre travailleurs du Belvédère, festivaliers et agents de sécurité ont duré jusqu’au petit matin.
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Sous anonymat, un employé depuis 20 ans, dénonce la méthode : « Ils sont venus à 3h du matin, ils nous ont dit de tout démonter. On est restés dans cette discussion jusqu’à 10h. Le maire et le directeur de la DTU sont venus, ils ont commencé à déguerpir. On dirait que nous ne sommes pas dans un pays de droit. Il n’y a pas de modération dans ce qu’ils font. Moi je suis là depuis 2005, d’autres 2010. L’État aurait pu avoir pitié des travailleurs ».
Des pertes de plusieurs millions de francs
Moussa Condé, sculpteur qui emploie une dizaine d’ouvriers reconnaît avoir reçu le préavis le sommant d’évacuer les lieux. Toutefois, il déplore la démolition de son atelier avant l’expiration du délai de 72 heures : « C’est ça qui nous a fait mal, c’est ce qui a fait que nous avons perdu des biens. Sinon, nous pouvions bien quitter sans casse ».
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Moussa Condé est conscient qu’il occupe un domaine de l’Etat : « Nous n’insistons pas. Nous sommes obligés d’accepter. Le peu que nous avons récupéré, nous disons Dieu merci. Depuis 20 ans, je travaille ici. Plusieurs de mes machines sont gâtées. Nous avons perdu à peu près 65 millions de francs guinéens ».
En conférence de presse le 17 février à Simbaya-Gare (Matoto), les organisateurs du Festival de Lafidiévaluent, de leur côté, le bilan provisoire des pertes subies. Mohamed Kalé, commissaire de l’évènement, pleure 9 mois de préparation : « La perte est énorme. Le budget de l’événement est de plus d’un milliard de francs depuis le début. Il y a 30 stands de Lafidi, 15 stands d’expositions, dont 10 de nos partenaires, qui ont été démolis. Des milliers de boissons sont perdues. Des biens de nos partenaires ont été volés. »
Le tenancier du Belvédère introuvable
Le commissaire du Festival du Lafidi dément les rumeurs selon lesquelles les organisateurs ont été dédommagés par les autorités : « C’est une contre-vérité, nous sommes catégoriques. A cause de cette rumeur, les vendeurs de Lafidi aux stands menacent de porter plainte contre nous afin que nous les remboursons, avec intérêts ».
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Les festivaliers menacent de trimbaler en justice le tenancier du Belvédère. Un Tunisien connu sous le nom de Slim. Les deux seraient liés par un contrat de location. Mais Slim est introuvable : « Il n’a pas été clair avec nous en donnant toutes les informations sur ce qui se passe entre lui et l’État. Le tenancier, nous le recherchons. Nous porterons plainte contre lui. Ce qu’il a fait, c’est comme si c’était prémédité ».
Certaines sources soutiennent que Slim « est rentré chez lui pour des raisons de santé ». En tout cas, son numéro de téléphone est injoignable.
Souleymane Bah