Lassés de la crise qui mine l’Union des forces démocratiques de Guinée depuis le début de la transition, 13 secrétaires fédéraux du parti en Haute-Guinée et en Guinée-Forestière ont adressé un mémorandum au Prési de l’UFDG. Ils demandent à la Petite Cellule Dalein Diallo de réintégrer les exclus et de passer la main à une autre personne à travers un congrès unitaire. Mais le doc engendre finalement plus de polémiques que de solutions.

Plus les jours passent, plus le quotidien au sein de l’UFDG devient difficile. Déjà confronté à la fronde menée par Ousmane Gaoual Diallo et son CERAG, le parti voit certains de ses responsables, notamment dans les buissons de l’intérieur, remettre en cause les décisions de la Direction nationale. Des fédéraux de Kankan, Nzérékoré, Kissidougou, Guéckédou, Macenta, Beyla, Siguiri, Diéké demandent la réintégration d’Ousmane, l’ex-Gawa de l’UFDG et consorts. Ils l’ont fait savoir dans un mémo adressé à la Petite Cellule Dalein Diallo le 1er avril. Les auteurs invitent l’UFDG à faire machine arrière dans un contexte où «la ligne du parti apparaît fragilisée. Nous estimons qu’il est impératif d’agir avec responsabilité et clairvoyance.» Ils motivent leur prise de position par l’imbroglio politico-judiciaire dont est confronté le parti : «Les récentes décisions du tribunal de première instance de Dixinn, l’observation du ministère de l’Administration du territoire indiquent l’urgence d’une clarification interne.» Ils redoutent l’impasse, si rien n’est fait.

Les signataires du doc souhaitent aussi voir la Petite Cellule Dalein Diallo céder la tête du parti à une autre personne, à travers un congrès inclusif où tous ceux qui désirent, y compris le banni, Ousmane Gawa Diallo, peuvent concourir. En prési d’honneur, la Petite Cellule Dalein se cantonnerait de veiller sur «l’orientation stratégique du parti.»

Des fédéraux dupés ?

A l’UFDG, le mémo tombe tel un couperet. Le parti en aura certes vu de toutes les couleurs depuis le coup de force du 5 septembre 2021 et l’arrivée de Mamadi Doum-bouillant au pouvoir. Il ne s’attendait certainement pas à ce que des responsables à la base du parti poussent si loin le bouchon. Selon une source proche de la Direction nationale, anonyme, ce mémorandum est l’aboutissement de mois de manipulations orchestrées par des cadres (en bois) du parti en route pour le navire CNRD. Il y a quelques semaines, deux membres du bureau exécutif de l’UFDG à la quête d’un décret, pour montrer leur «capacité de nuisance», auraient entrepris de débaucher les fédéraux en Haute-Guinée et en Guinée-Forestière. Impuissants, ils les auraient alors convaincus de rédiger ce mémorandum. Ils leur auraient fait croire qu’un tel acte règlerait la crise au sein du parti : «Ces fédéraux sont les fidèles parmi les fidèles, ils sont dans le parti depuis 2010. Deux personnes, tapies à Conakry, sont derrière cette manœuvre.» Selon la même source, ces deux responsables ont sillonné la Haute-Guinée et la Forêt pour un tête-à-tête avec ces fédéraux : «Ils leur ont fait croire que si le parti accepte de réintégrer Ousmane Gaoual Diallo, de ramener Cellou Baldé et Maladho Diallo à leur poste, la crise sera derrière nous. Les fédéraux leur ont dit : si c’est pour résoudre la crise, nous sommes partants.»

Lors des discussions, le départ de la Petite Cellule Dalein Diallo n’aurait pas été évoqué. Des fédéraux seraient même tombés des nues en découvrant ce poing dans le mémo après sa publication : «Les signataires ont été manipulés, sinon, ils sont fidèles au président de l’UFDG. En aucun cas, ils ne vont demander son départ. Alpha Condé avait tout fait pour qu’ils rejoignent le RPG, ils ont refusé. Leur loyauté ne peut pas être mise en cause, c’est une manipulation», ajoute la source.

Même que la Direction nationale de l’UFDG est depuis belle lurette au courant des manigances. Elle serait restée passive : «Ce n’est ni Cellou Baldé ni Maladho Diallo, mais deux autres dont les agissements sont connus de tous. Moi personnellement, ils m’ont contacté pour faire partie du plan, j’ai refusé. Ils ont été, à plusieurs reprises, pris en train de transférer les comptes-rendus de nos réunions de l’autre côté, mais on les laisse faire.»

Les signataires se défendent

Au sein de l’UFDG, il y en a qui estiment que les signataires sont dans leur plein droit d’interpeller le prési du parti, de poser le débat pour éviter sa dislocation. Pour Joachim Baba Millimouno, coordinateur de la Cellule de communication de l’UFDG, les fédéraux ont exprimé une inquiétude légitime : «C’est un débat qu’ils ont posé. Nous sommes un parti libéral, le dialogue est nécessaire pour résoudre la crise qui secoue l’UFDG. Aujourd’hui, nous ne pouvons pas tenir de congrès, le MATD nous menace, si nous appliquons ce mémorandum, il n’y a plus de crise. C’est ma position, elle est différente de celle du parti.» L’émancipation sera de courte durée : le 4 avril, la Petite Cellule Dalein Diallo a fait remplacer Joachim Baba Millimouno par son conseiller en communication, Souleymane Souza Konaté.

Accusés de mettre en avant ce mémorandum pour quitter le navire UFDG, certains fédéraux haussent le ton. Antoine Dobo Guilavogui, fédéral de Kankan, balaie d’un revers de la main ces accusations. Il dit avoir agi pour sauvegarder les intérêts de l’UFDG : «Le président Cellou est injustement menacé, poussé en exil. Tous les scénarios, toutes les manœuvres sont utilisés pour détruire le parti et son président, nous devons agir.» Il admet cependant avoir participé à la réunion avec les cadres (en bois) incriminés sans l’autorisation de l’UFDG : «Je pense que c’est une coïncidence. Ils étaient en partance pour Nzérékoré, ils nous ont réunis, on en a discuté, on ne peut qu’assumer. Les gens sont libres de faire les interprétations qu’ils veulent, mais moi, je ne suis pas influençable.»

Dobo Guilavogui flétrit le comportement de la Direction nationale du parti qui, selon lui, depuis le départ de la Petite Cellule Dalein Diallo, les ignore : «Il n’y a aucun contact entre eux et nous, ils ne nous associent à rien, ne savent même pas que nous existons.»

Des « signataires » se désolidarisent

Paul Rosal Kolié, secrétaire fédéral de l’UFDG à Nzérékoré, lui, donne sa langue au chat : «Nous avons réuni des idées pour exprimer une préoccupation, le reste n’est pas important…Je ne dirai rien de la réunion avec les cadres de la Direction nationale, c’est top secret.»

Au lendemain de la publication du mémo controversé, certains signataires se sont rétractés. Les fédéraux de Beyla, Sinko et Lola disent carrément n’avoir jamais été associés à sa rédaction. Ils ne cachent pas leur surprise de voir leurs noms et signatures sur le doc. Les fédéraux de Macenta et de Guéckédou, reconnaissent quant à eux, avoir participé à la réunion ayant accouché le mémo, mais disent avoir des réserves notamment sur la réintégration d’Ousmane Gawa Diallo et le départ de la tête du parti de la Petite Cellule Dalein Diallo. Les deux ont adressé des lettres à la Direction nationale du parti, pour présenter leurs excuses et réaffirmer leur loyauté.

A cette allure, la Petite Cellule Dalein ne peut certainement compter que sur ses militants. La plupart des cadres (en bois) de son parti n’ont qu’une préoccupation : aller à la soupe CNRD.

Yacine Diallo