Le 10 avril, Mohamed Diané était devant la Cour de répression des infractions économiques et financières pour son procès en appel. Après le détournement des deniers publics, l’ancien ministre de la Dépense nationale et des Affres pestilentielles rejette l’infraction d’enrichissement illicite. Il dénonce une attribution « farfelue » de biens mobiliers et immobiliers à sa personne.
Dans cette affaire Mohamed Diané est poursuivi pour « détournement de deniers publics, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux ». Des faits qu’il nie depuis son procès en instance. Ce jeudi, l’audience a tourné autour des biens attribués à l’ex tout puissant boss de la Dépense et des Affres pestilentielles. En plus des 5 ans d’emprisonnement auxquels il est condamné en première instance, le prévenu voit aussi une quarantaine de biens à lui attribués confisqués au profit de l’Etat. Il conteste non seulement la décision, mais également être le propriétaire de la plupart desdits biens : « C’est une liste de biens qui me sont attribués à tort. La partie civile a déclaré ici que certains de mes biens sont des prête-noms, notamment pour une certaine Aïcha Diané qui aurait plus de 45 immeubles. Sur la quarantaine de biens, 12 seulement sont au nom de Mohamed Diané. Même dans cette douzaine, je conteste certains, notamment les parcelles de Kankankoura. Cette liste ne m’a été présentée ni à l’instruction ni à la barre ici. Aucun document n’atteste que les biens cités dans cette liste m’appartiennent. La superficie de Kankan fait à peu près 8 000 KM2, Me Pépé Antoine Lama (avocat de la partie civile, ndlr) dit que j’en ai acheté la moitié. Il fait certainement partie de ceux qui ont rédigé cette liste. »
Le prévenu dit ne pas être le propriétaire des biens mobiliers et immobiliers qui lui sont attribués à Kankan, notamment aux quartiers Bordeaux et Kankankoura. Tout comme ceux de Soumayah à Forécariah et de Bangouyah : « Je n’ai pas demandé à l’Etat de me céder les parcelles de Kankankoura, je ne reconnais pas… Je n’ai jamais été à Soumayah, à plus forte raison acquérir des domaines. » Il rejette aussi la paternité de deux duplexes, d’une école privée, d’une ferme avicole et d’une usine au quartier Bordeaux, d’une pâtisserie à Hérémakono : « Je n’ai pas d’école, de pâtisserie ni à Kankan ni ailleurs. Je n’ai pas non plus d’usine. »
Il reconnaît cependant être le propriétaire d’un terrain de 3 hectares à Balandou, des domaines à Héramakono, Sinkéfara et dans son village à Baté-soyla dans Kankan : « Je les ai mentionnés dans mes déclarations de biens en 2011 et en 2016. »
A Cona-cris, Mohamed Diané rejette tous les biens qui lui sont attribués. Selon les avocats de l’Agent judiciaire de l’Etat, ces terrains à Nongo, Yattayah ou encore Kaloum sont acquis grâce à des prête-noms : « Je ne connais ni Mamadou Aliou Diallo ni Mamadou Mouctar Diallo encore moins Sékou Kaké. S’ils sont là, ils peuvent prouver que ces terrains m’appartiennent », déclare le prévenu.
S’agissant du fric se trouvant dans ses comptes bancaires à la FNBank (63 millions gnf), à la Société générale des banques en Guinée (plus d’un milliard de francs guinéens et 70 000 euros) et à l’ECOBANK(60 000 dollars américains et 356 millions de francs guinéens), le prévenu dit l’avoir acquis grâce à son salaire en tant que ministre, en tant qu’enseignant-chercheur, à ses primes à la Présidence et à ses frais de mission à l’étranger : « Je ne touchais pratiquement pas à mes salaires de ministre, je vivais de mes primes à la Présidence. Partout où je gagne de l’argent, je verse dans mes comptes. »
Les prête-noms, l’argument de Diané
Maître Pépé Antoine Lama, avocat (sans vinaigrette) de l’Etat de faire remarquer que dans la déclaration des biens qu’il a faite en 2016, Mohamed Diané n’a pas cité les biens qu’il a acquis dans son village à Batè-soyla et dans certains quartiers de Kankan. « Je ne l’ai pas fait, parce que c’est sans valeur. C’est de l’héritage », rétorque le prévenu. Pour Me Pépé Antoine Lama, les arguments de Mohamed Diané sont loin de convaincre : « Sur ses avoirs immobiliers et bancaires, le volume des immeubles, les montants totalisés sur ses comptes sont plus élevés que ses revenus. Il n’a pas été en mesure de les justifier. Il n’a pas été non plus à mesure de rapporter la preuve des déclarations qu’il a avancées tendant à justifier la régularité de certaines acquisitions. »
Faux, rétorque Me Almamy Samory Traoré de la défense : « Tous les biens sur lesquels il y a le nom de Dr Mohamed Diané, il ne les a pas niés. Les comptes bancaires également, il ne les a pas niés. Le problème, c’est sur les biens sur lesquels il n’y a pas son nom et pour lesquels on demande des prête-noms. Il y a des biens qui sont dedans, qui appartiennent même à l’État. Il y a un bien par exemple d’une société qui a conclu un bail de construction avec l’État. Ils oublient que ce même bien appartient déjà à l’État. »
L’affaire est renvoyée au 17 avril prochain pour la suite des débats.
Yacine Diallo