Dans une interview à Forbes Afrique, Djiba Diakité, ministre dirlo de Cabinet de la Présidence et prési du Comité stratégique de Simandou, a déclaré que les documents contractuels du méga gisement, s’ils étaient alignés, feraient 14 km de longueur. De quoi enflammer la toile, suscitant interrogations et railleries.

Chez nos con(.)frères Forbes Afrique, Djiba Diakité jure dans tout son sérieux : « Les négociations sur Simandou, c’est plus de deux ans de travaux acharnés. Pour vous donner une idée, les documents contractuels de Simandou, si on les met de bout en bout, c’est environ 14 km. Juste pour vous donner une idée du travail abattu par le Comité stratégique, sous le leadership et les orientations stratégiques du chef de l’Etat qui veille à chaque détail. Dans ces 14 km de documents, nous avons regardé chaque ligne, chaque virgule, chaque point. » Lorgner n’est pas lire.

Djibat…tous les records !

Assez pour susciter interprétations, critiques et dérision envers le ministre dirlo de Cabinet. L’Intelligence artificielle aidant, des images de 14 km de paperasses ont inondé les réseaux sociaux, notamment Facebook. Des images, générées par des IA, montrent Djiba Diakité absorbé par des piles de documents qui s’étendent à perte de vue. Parfois, on y voit des autoroutes de paperasses « goudronnées de mensonges », taquine-t-on.

Une source proche des sociétés minières engagées dans le projet pense que la distance évoquée ne couvre pas que les conventions, mais tous les autres documents annexes élaborés depuis les précédents régimes (Fory Coco et Alpha Grimpeur). « Il faut noter que les documents ont été faits en plusieurs copies pour les différents partenaires impliqués dans le projet. Il a juste mal contextualisé », dédramatise-t-elle.

Mais 14 kilomètres de docs reflètent-ils la réalité ? L’interlocuteur évoque des milliers de pages sur le projet Simandou : « Rien que nos évaluations d’impact environnemental et social (ESIA) font plus de mille pages. Avec 14 km, on est dans l’ordre de 48 mille pages. Simfer a lui seul deux Plan de gestion environnementale et sociale (mines et ports). Il y a les documents commerciaux, les conventions précédentes pour chacune des entités, ainsi que les autres accords juridiques sous Alpha Condé. Je dirai que c’est bien probable qu’on est à 14 mille pages, sans compter les différentes annexes fiscales, les règlementations portuaires, entre autres ».

Flou artificiel

Visiblement rompue aux mathématiques, notre source estime qu’il faut aligner 48 mille feuilles A4 pour obtenir 14 kilomètres. « Les gens aiment juste le buzz. Le gouvernement, aussi, communique sans analyser les choses », conclut-elle. Une autre source proche du dossier est, elle, plus catégorique : « L’obligation légale porte sur la documentation contractuelle et elle est très loin de faire même 2 km. » Jugeant l’estimation de Djiba Diakité « maladroite et pas conforme à la réalité », elle s’étonne du mystère qui entoure l’affaire Simandou : « Pourquoi ce contrat n’est pas publié malgré l’obligation légale ? Les intérêts de l’État sont justement protégés par la publication. C’est très dommage que l’État viole son obligation. Jusqu’à date, tout était publié et puis honnêtement je ne vois pas en quoi les intérêts de l’État sont protégés par la non-publication. Un contrat est la résultante de concessions réciproques. On n’a jamais tout ce qu’on veut, on protège ses intérêts au mieux. »

Et de poursuivre : « Il n’y a rien de catastrophique dans le projet. En entretenant la culture du secret, ils sont en train de se tirer une balle dans le pied parce que tout le monde imagine tout et n’importe quoi. Simandou est un bijou de famille, ce n’est pas comme un autre projet minier : tout le monde pense qu’il va sortir la Guinée de la pauvreté. Ils n’ont pas le droit le tenir secret. »

Solidarité goubernementale

Aboubacar Cas-marrant vole au secours de son collègue. Dans une tribune du 4 avril, le ministre de l’Energie, de l’hydraulique et des hydrocarbures affirme que Djiba Diakité a usé de figure de style pour éclairer l’opinion publique sur l’envergure administrative et juridique du projet, souvent difficile à appréhender autrement. Il soutient que des responsables américains ont récemment relevé que les archives nationales des USA, si elles étaient déployées, couvriraient plus de 80 km : « La référence aux 14 kilomètres de documents ne relève ni de l’exagération ni de l’ironie, mais dune volonté d’exprimer, en une image concrète, l’extraordinaire complexité et le sérieux de l’architecture contractuelle du projet Simandou. »

Le dirlo du Service national de coordination des projets miniers, Ibrahima Kalil Keita, défend aussi Djiba Diakité : « Le projet Simandou, c’est plus de 25 ans de recherches géologiques, d’études de préfaisabilité, d’études de faisabilité, des documents juridiques, des documents financiers et divers documents contractuels négociés. » Il aligne, dans sa tribune, plusieurs dossiers, afin d’appuyer les 14 km de docs. Seulement, a-t-il vu, lui, le contrat ?

Yaya Doumbouya