Amadou Dama-ronron Camara a de nouveau comparu le 8 mai devant la Cour de répression des infractions économiques et financières. L’ex prési de l’Assemblée nationale et son co-prévenu, Kim, ont vu le parquet spécial près la juridiction et la partie civile demander la confirmation de leurs peines prononcées en première instance.
Condamné en première instance à 4 ans de prison, à 10 millions de francs glissants d’amende et solidairement avec ses co-prévenus, l’homme d’affaires, Kim et Michel Kamano à 5 milliards de francs glissants de dommages et intérêts pour « détournement de deniers publics et corruption », Amadou Dama-ronron Camara et Kim pourraient bientôt être fixés sur leur sort. Devant la Chambre des appels de la Crief le 8 mai, ont eu lieu les plaidoiries et réquisitions, dans la procédure opposant l’ex prési de l’Assemblée nationale et l’homme taïwanais à l’Etat guinéen.
Dans cette affaire, ni la défense ni la partie civile ne sont d’accord avec la décision rendue en première instance. Les avocats (sans vinaigrette) de l’Etat pestent contre le fait que la Chambre de jugement n’ait pas ordonné la confiscation, au profit de l’Etat, des biens de l’ex prési de l’Assemblée nationale : « Les biens de Amadou Damaro Camara ont été retirés des biens saisis dans cette procédure, alors que le prévenu est condamné pour détournement de deniers publics. Nous n’avons pas compris cette décision », explique maître Kalil Camara. L’avocat demande à la Cour de confirmer entièrement la décision en instance, tout en ordonnant la confiscation des biens de Dama-ronron : « Une telle décision permettra à l’Etat de réparer le préjudice subi dans cette affaire. Nous vous prions d’ordonner la confiscation de ses biens. »
Me Kalil se dit convaincu que les prévenus se sont rendus coupables des infractions à eux reprochées : « Les 15 milliards de francs guinéens ont été détournés de l’objectif initial. Ils ont été amenés ailleurs. » Il met aussi en avant le fait que Dama-ronron et Kim se soient entendus sur un marché sans appel à candidature : « Il a été démontré que le contrat passé avec l’entreprise CASTOR n’a pas été respecté. Ils ont privilégié des considérations personnelles. »
Le mystère public abonde pratiquement dans le même sens, à l’exception de la condamnation de Kim : « Nous n’avons rien demandé contre lui en instance », déclare Aly Touré. Par rapport à Amadou Dama-ronron, le pro-crieur spécial dit que la décision en instance est proportionnelle à « la forfaiture commise. Les premiers juges ont fait une bonne application de la loi. Nous sommes d’accord avec la décision, dans son volet action publique. L’argent dont il s’agit est la contrepartie de la participation guinéenne à la construction de l’Assemblée nationale. Mais ces fonds ont servi à autre chose. » Aly Touré estime que le marché de viabilisation du site devant abriter le nouveau siège de l’Assemblée nationale, attribué à Kim, peut bien tomber dans l’escarcelle du délit de corruption : « Il a violé les règles », conclut le pro-crieur.
La défense ulcérée
Dans la décision de condamnation en instance, le juge a pris soin de mentionner que les agissements du prévenu Dama-ronron n’ont engendré aucune perte pour l’Etat. Le juge a aussi noté qu’il n’a utilisé aucun sou à des fins personnelles. Pour Me Santiba Kouyaté, ces affirmations auraient suffi pour relaxer son client : « En plus de l’aveu du juge, il est constant que mon client a renoncé une partie importante de son budget de souveraineté pour rénover le Palais du peuple… Ce qui lui fait mal, plus que sa détention, c’est le fait que sa réputation ait pris un coup. »
Pour Me Lancei Doumbouya, la condamnation de son client résulte de la méconnaissance des règles de l’Assemblée nationale : « Le Code des marchés publics est inférieur au règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Damaro est victime de l’ignorance des règles de fonctionnement de l’Assemblée nationale. Il demande au juge de renvoyer les prévenus des fins de la poursuite. » Et Me Rafi Razza de s’exclamer : « Les premiers juges ont failli dans ce dossier. »
Pour son dernier mot avant le délibéré, Amadou Dama-ronron Camara demande au juge de dire le droit : « Je n’ose pas dire qu’il est inutile de développer des arguments de bonne foi devant des personnes de mauvaise foi, mais il y a une incompréhension totale de l’orthodoxie financière de l’Assemblée nationale. J’ai fait cet appel avec la ferme conviction de mon innocence. J’ai renoncé 35 milliards de francs guinéens pendant 16 mois, j’ai renoncé 2 milliards de primes d’installation. Je pense que cela aurait suffi. » Kim d’ajouter : « Je n’ai pas corrompu, je n’ai pas besoin de corrompre quelqu’un. » L’affaire est mise en délibéré pour décision être rendue le 22 mai prochain.
Yacine Diallo