Nombre de portraits du général Mamadi Doumbouya, omniprésents sur les principales artères de la capitale guinéenne, ont été décrochés du jour au lendemain. Qui l’a ordonné et pourquoi ? Explications.
Depuis que l’idée d’une candidature de Mamadi Doumbouya à la prochaine présidentielle a germé, banderoles et autres affiches à son effigie inondent Conakry. Les mouvements de soutien veulent ainsi démontrer leur attachement au maintien au pouvoir du président de la transition. Conséquences, ces derniers temps, la capitale étouffe sous le poids de portraits. Mais depuis le 1er mai, les affiches sont décrochées une par une, dans pratiquement toutes les communes de la capitale. A la surprise générale. Sur la route Leprince, l’autoroute Fidel Castro, la corniche-Nord, pas l’ombre d’un poster. Exception faite à quelques endroits où les portraits présidentiels résistent encore : T7, T6 ou encore à la T5 (commune de Sonfonia).

Le coup de balai est de l’Office guinéen de publicité. Contacté par La Lance, l’OGP dit agir sur ordre de la Présidence de la République. Histoire d’y remettre de l’ordre, explique Charles Mohamed Kolié de la délégation syndicale de la boîte. Il justifie la mesure par la mauvaise disposition des photos de Mamadi Doumbouya : «Nous constatons que de mauvaises photos du Président sont disposées n’importe comment, à même le sol. La distanciation n’est pas respectée.» Selon lui, l’OGP a reçu l’ordre de débarrasser, pour un premier temps, Conakry de toutes ces affiches, pour mieux structurer ce qui s’apparente à une campagne électorale avant l’heure : «Nous voulons assainir, fixer une distanciation à respecter et impliquer les régies propriétaires des panneaux publicitaires. Cela nous permettra d’éviter les affichages anarchiques.»
L’OGP menace
Quand Mandian Sidibé tenait les rênes de l’Office guinéen de publicité, il avait menacé de sévir contre les affichages anarchiques dans la cité. Mais c’est Aladji Cellou Camara, son successeur, qui matérialise finalement la mesure. Dans la soirée du 5 mai, il s’est fendu d’un communiqué pour fustiger la «prolifération non autorisée des affichages sur toute l’étendue du territoire.» Il rappelle que la pratique constitue une «infraction aux règles d’occupation de l’espace public et porte atteinte à l’esthétique urbaine.» Le nouveau directeur général de l’OGP martèle que, désormais, «tout affichage non autorisé sera systématiquement retiré au frais des contrevenants, assorti des sanctions prévues par les textes en vigueur.» Selon Charles Mohamed Kolié, les effigies de Mamadi Doumbouya vont bientôt réapparaître, mais de façon organisée. Les autorités préparent déjà un accueil «chaleureux» pour le retour du Président de la transition de son voyage au Rwanda et au Gabon : «Au retour du Président, une manifestation de soutien sera organisée pour l’accueillir. Entre-temps, les régies propriétaires des panneaux publicitaires vont accrocher les affiches du Président.»

Autre son de cloche
Le 4 juillet dernier, un communiqué de Mandian Sidibé flétrissait déjà l’utilisation «désordonnée de l’image du Président de la République, qui est une Institution à part entière, symbolisant l’image de la Nation Guinéenne». L’Office guinéen de publicité «se désole et informe toutes les régies publicitaires et autres annonceurs de l’interdiction formelle d’associer l’image du Président de la République à celles d’autres personnalités (membres du Gouvernement, Présidents d’Institutions Républicaines ou Hommes d’Affaires) sur un même support publicitaire.»

Cette fois-ci, la mesure s’applique sans distinction. Même si les mouvements de soutien disent s’exécuter, non pas à cause des affichages anarchiques, mais pour réadapter leur communication : «C’est nous-mêmes qui avons décroché les affiches. Désormais, la priorité n’est plus de communiquer sur l’adhésion de la population à la candidature du président. Nous estimons que cela est acquis. Les autorités nous demandent de focaliser notre communication sur le recensement et sur le référendum», déclare Souleymane Bérété, président du mouvement Un pour tous ; Tous pour un.
Baba Alimou Barry, patron du Mouvement pour l’alternance démocratique en Guinée (MAG) abonde dans le même sens : «Nous voulons adapter la communication aux nouveaux défis : le recensement, le référendum en septembre prochain…C’est loin d’être une histoire d’anarchie.»
L’argent de la discorde ?
La semaine dernière, des manifestations ont éclaté dans certains quartiers le long de la route Leprince. Il se murmure que les autorités de la transition craignaient de voir les affiches décrochées par des mécontents, comme en mars dernier. Baba Alimou Barry dément : «Ces jeunes qui troublent l’ordre public ont profité de notre absence de Conakry pour bloquer la circulation et s’en prendre aux passants. Ce n’est pas lié aux affiches du Président.» Le MAG n’aurait-il pas partagé l’argent débloqué pour la marche de soutien à Doumbouya à Mamou ? «Le MAG n’a reçu aucun financement, balaie Baba Alimou. Nous sommes allés à Mamou sur fonds propres.» Il admet cependant que la tension serait bien liée à une histoire de sous : «Certains, pour débaucher des jeunes dans les quartiers, leur promettent de l’argent. Ils avaient fait la même chose pour Kindia et Boké. Finalement, les promesses ne se sont pas réalisées. Mais nous allons gérer la situation avec intelligence.» Visiblement, il y a bien plus que des affiches à assainir.
Yacine Diallo