Détenue depuis deux semaines en Belgique, l’ex-ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de la Guinée auprès des pays du BENELUX (Belgique, Pays-Bas et Luxembourg) et de l’Union Européenne, serait suspectée d’avoir « maltraité et séquestré » une mineure. De quoi provoquer une divergence de vues entre Conakry et Bruxelles sur l’interprétation de la Convention de Vienne relative à l’immunité diplomatique.
L’affaire fait les choux gras de la presse après qu’une note, datée du 25 juin, du ministère des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et des Guinéens de l’étranger, relative à l’interpellation de la diplomate guinéenne, s’est retrouvée sur la place publique. Les ennuis judiciaires d’Aïssatou Doukouré, restée en Belgique après la fin de sa mission, viendraient de la plainte d’une Guinéenne de 16 ans qu’elle avait sous sa garde. La mineure accuserait son ancienne tutrice de « maltraitance et séquestration ». Selon nos informations, Aïssatou Doukouré est aujourd’hui incarcérée dans une prison de la ville portuaire de Gand, au nord-ouest de la Belgique. Pendant ce temps, la plaignante a été admise dans un centre d’accueil pour enfant, confie notre source.
Quid de l’immunité diplomatique ?
Dame Doukouré a été, selon Conakry, interpellée dans la résidence des ambassadeurs alors qu’elle « jouissait encore » d’une protection diplomatique. Dans sa note, le ministère des Affaires étrangères s’étonne que les autorités belges n’aient pas tenu compte de ce que stipule la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques et consulaires, disposant au point 1 de ses principes clés que « les locaux de la mission diplomatique, ainsi que les biens et archives, sont inviolables. Les agents de l’État accréditaire ne peuvent y pénétrer sans le consentement du chef de la mission ». Conakry estime donc que l’État belge a violé ce principe puisque les autorités guinéennes n’auraient été informées « ni avant ni après » de l’arrestation d’Aïssatou Doukouré. Le ministère guinéen des Affaires étrangères invite la Belgique à privilégier la « solution diplomatique » pour aplanir le différend.
Sauf que Bruxelles ne semble pas voir les choses sous cet angle. Dans ce pays, l’immunité diplomatique cesse de courir 4 mois après le rappel d’un diplomate, explique un fin connaisseur de la Belgique. Or, la diplomate est restée en poste d’octobre 2022 à novembre 2024. Les lois belges punissent sévèrement la maltraitance des enfants, surtout par des personnes ayant une autorité directe sur les tout-petits.
Silence à Conakry
Si les autorités guinéennes tentent de trouver une issue favorable, elles restent peu loquaces sur l’affaire. Ni le personnel de l’ambassade de Guinée en Belgique ni le ministère des Affaires étrangères n’a souhaité répondre à nos sollicitations. Joint au téléphone, Alya Camara, chargé de communication du ministère des AE, a esquivé la question : « Je ne suis pas à Conakry. Je ne suis habilité à rien dire. »
Une affaire qui ressemble fort bien à celle qui avait éclaboussé le fils de l’ancien Président, Ahmed Sékou Touré, aux Etats-Unis. Mohamed Touré et sa femme avaient été condamnés pour « travaux forcés ». Là également, la plainte venait d’une fille que le couple avait fait voyager au pays de l’Oncle Sam.
Yacine Diallo