Présent à l’Assemblée générale extraordinaire de la Fédération Guinéenne de Football (Féguifoot), le 24 juillet à Kaloum, le ministre des Sports, Kéamou Bogola Haba, n’a pas mâché ses mots, pour dépeindre les maux qui gangrènent le football guinéen.
Crise institutionnelle, manque de financement et de professionnalisation des clubs, leur concentration à Conakry…La liste des maux qui minent le football guinéen est longue et non exhaustive. Très critique sur la gouvernance de la Fédération guinéenne de football, le ministre Bogola Haba a dénoncé une concentration excessive des clubs du championnat national Ligue 1 dans la capitale guinéenne, une faible mobilisation dans les stades et un cruel manque de moyens financiers. Il a exhorté les responsables du football national à dépasser les querelles personnelles pour se pencher sur les véritables défis du secteur. « Les défis sur lesquels je vous appelle sont énormes », a-t-il déclaré à l’entame de son discours.
Devant les membres de la FGF, il a déploré une centralisation à outrance : « Sur 14 clubs de Ligue 1, 12 sont en Basse-Guinée. Seules deux formations sont issues [des autres régions] de l’intérieur du pays, toutes de la Haute-Guinée: Kankan et Siguiri. » tout en rappelant que la loi sur le sport oblige à couvrir l’ensemble du territoire, il martèle : « Nous ne pouvons pas nous contenter d’un football confiné à une seule région ».
Depuis la création de la Féguifoot en 1960, les résultats peinent à suivre, déplore le ministre. Il a flétri une gestion minée par des querelles de personnes : « Le Comité exécutif doit arrêter de perdre du temps à débattre de qui sera vice-président ou président. Concentrez-vous sur les moyens de couvrir l’ensemble du pays. Sinon, vous ne respectez pas la loi 018, et vous perdez l’essentiel ».
Pour Kéamou Bogola Haba, un club d’élite digne de ce nom devrait réunir un budget minimum de 2 milliards de francs guinéens, pour faire face aux dépenses liées aux transferts, à la logistique et payer des salaires décents : « Nos clubs sont de simples centres de formation, incapables de retenir les talents ou d’en attirer. Il n’existe pas de contrats en bonne et due forme pour les joueurs ou les entraîneurs. C’est un problème fondamental », s’est offusqué le ministre des Sports.
« Il y a de l’argent en Guinée »
Comme solution, il a plaidé pour la transformation des clubs en sociétés anonymes, capables d’attirer des capitaux privés : « Il y a de l’argent en Guinée. Il faut offrir des garanties aux investisseurs pour bâtir des clubs puissants et compétitifs. C’est un défi que nous devons absolument relever. » Mais cette réforme ne peut se faire sans le soutien du public. Bogola Haba s’est inquiété de la faible fréquentation des stades, même pour les matchs de Ligue 1 : « Les stades de 5 000 places ne se remplissent pas, même quand les premières équipes jouent. Et les recettes sont insignifiantes. »
Le ministre assure que l’État investit dans les infrastructures sportives : « Plus de 2 500 milliards de GNF [280 millions de dollars] sont consacrés à la rénovation des stades de Nongo et du 28-Septembre. Si nous voulons accueillir la CAN, il faudra investir 8 000 milliards, soit près de 800 millions de dollars américains».

Kéamou Bogola Haba évoque des projets de construction de mini-stades « modernes » de 5 000 à 10 000 places dans les 33 villes du pays et les 14 communes de Conakry. Mais « Qui va occuper ces stades, s’interroge-t-il, dépité ? Dès les premières journées du championnat, moins de 2 000 personnes y assistent. Allons-nous ouvrir ces infrastructures uniquement pour 2 ou 3 matchs du Syli national ? »
Le basketball comme modèle
En guise d’exemple, le ministre a cité le basketball, dont la ligue attire désormais un public prêt à payer entre 15 000 et 100 000 GNF au Palais des sports : « On nous disait que personne ne paierait pour entrer dans une enceinte non conforme. Et pourtant, nous avons réussi à créer une dynamique. Il faut en faire autant pour le football. »
Bogola Haba conclut son réquisitoire en insistant sur le rôle central du public dans la relance du football guinéen : « Ce n’est qu’en remplissant les stades que nous attirerons sponsors, mécènes et droits télévisés. La Ligue 2 (2ème division du championnat national) est lancée sans sponsor, en s’appuyant uniquement sur les faibles revenus versés par la FIFA. Ce modèle n’est pas viable. Il faut qu’ensemble, nous changions les choses ».
Abdoulaye Bah