Dans un contexte d’urbanisation rapide et de développement à Coyah, la délinquance juvénile et la consommation des stupéfiants préoccupent. Le jeudi 7 août, le pro-crieur près le tribunal de première instance de Coyah, au cours d’un brin de causette avec nous, est revenu sur les causes, les conséquences et les efforts mis en œuvre, pour freiner le fléau.
Le Lynx : La délinquance juvénile semble prendre de l’ampleur à Coyah. Qu’en dites-vous ?
Lazare Mamadi Bauret : Essentiellement, c’est une continuité. Puisque Coyah fait partie des nouvelles agglomérations de la Guinée. C’est une ville en construction et en devenir, et cela attire tout type de personnes. Et qui parle de développement doit savoir que le grand banditisme s’accroît également. Cette ville regorge d’hôtels, de motels et de nombreux débarcadères, ainsi que de zones en construction qui sont très éloignées du centre-ville, et qui sont dépourvues de services de sécurité. Ce sont des facteurs qui favorisent la délinquance. Et ce n’est pas loin également de Forécariah, de la Sierra Leone, devenue de plus en plus une porte d’entrée de la drogue par les débarcadères. Donc, c’est dans ce sens qu’on peut comprendre la délinquance juvénile à Coyah.
Disposez-vous de statistiques sur la criminalité à Coyah ?
Des statistiques proprement dites, non ! Mais je peux vous dire que nous avons beaucoup de personnes déférées actuellement par la police et la gendarmerie, surtout depuis la mise en place de l’opération Ouragan, conduite par la police nationale. Il ne se passe pas une semaine sans qu’on défère à mon parquet des jeunes gens, et même des pères de famille, des mères, des jeunes dames, poursuivis et trouvés en possession de drogue, essentiellement le kush.
Quels sont les délits les plus fréquents chez les jeunes ?
Actuellement, le délit le plus fréquent, avec l’opération Ouragan, c’est la consommation de la drogue kush. Mais à côté de ces infractions, nous avons des faits de vol, de coups et blessures volontaires, mais aussi des viols. Mais les infractions les plus courantes concernent la consommation de drogue.
Comment le parquet de Coyah intervient-il pour faire face à cette délinquance ?
Les jeunes sont des personnes en conflit avec la loi. Ce sont des personnes qui ont l’âge de comparaître devant le tribunal correctionnel. Pour ceux qui sont interpellés pour consommation de drogue, les dossiers sont enrôlés immédiatement. Une suite judiciaire est donnée dans un bref délai. L’un de mes rôles est de m’assurer que la population de Coyah vive sainement, et que les personnes se livrant à la commission d’infractions liées à la drogue soient sanctionnées à la hauteur de leur forfaiture. La conséquence sociétale est aussi de décourager les délinquants primaires, les jeunes qui, pour la plupart, en sont à leur début. Ils suivent leurs frères aînés, souvent dans les fumoirs ou aux débarcadères. C’est pourquoi, à chaque audience, nous rappelons les méfaits de la drogue et procédons à une sensibilisation. C’est cela aussi le rôle des audiences publiques.

Avez-vous des exemples récents de saisie ou d’arrestation ?
Oui. Pas plus tard que cette semaine, une femme a été interpellée. Après une perquisition minutieusement menée, elle a été trouvée porteuse de 4kg de drogue. L’opération a été menée par l’Escadron de gendarmerie 23 de Coyah. Aussi, vous avez dû constater que lundi dernier (4 août), il y a eu 9 interpellations, dont 4 femmes, dans le cadre de l’opération Ouragan menée par le Commissariat central. Au cours de cette opération, il a été saisi 1 kg de chanvre indien, 35 boules de chanvre indien, des boîtes de chargeurs et d’autres substances ayant suscité l’ouverture d’une enquête.
Les personnes interpellées sont-elles systématiquement poursuivies et jugées ?
Oui, la plupart des procédures concerne des dossiers de flagrant délit. À date, toutes les personnes déférées à mon parquet sont, soit déjà situées sur leur sort, soit leurs dossiers sont en instance de jugement. La procédure de flagrant délit exige que la personne poursuivie soit le plus rapidement possible fixée sur son sort. C’est ce que nous faisons, pour respecter la loi et les délais légaux.
Disposez-vous des moyens pour lutter contre les réseaux criminels à Coyah ?
Oui. Le premier moyen que nous avons, c’est la sensibilisation. Et pour cela, nous passons par vous, la presse, ainsi que par la famille, car nous estimons que c’est un chemin commun à tous pour une large diffusion. La sensibilisation vaut mieux que la répression.
Par contre, il y a certains qui restent sourds à ce genre d’interpellations et de messages. En plus de nos efforts de sensibilisation, nous estimons que les parents doivent en faire autant. Les autorités à tous les niveaux également. Lors des différentes opérations menées, nous intervenons dans les fumoirs identifiés préalablement, et nous interceptons les personnes que nous estimons devoir traduire devant le tribunal, afin qu’une décision soit rendue sur leur sort. Je pense qu’avec ces deux types de lutte conjuguée, nous obtiendrons le résultat escompté.
Disposez-vous d’une structure spécialisée pour le traitement des mineurs ?
Oui. Je fais bien la différence entre les jeunes et les mineurs. Les mineurs sont simplement des enfants. La loi prévoit un traitement distinct pour les mineurs, que je ne compare pas aux jeunes. Lorsqu’ils sont interpellés, ils sont poursuivis sur la base du Code de l’enfant. Une information judiciaire est alors ouverte, le juge des enfants est saisi, et la procédure suit son cours normal.
Avez-vous récemment rencontré des cas impliquant des mineurs dans cette lutte contre la drogue ?
Très peu, pour ne pas dire aucun. Parce que depuis le mois dernier, toutes les personnes déférées sont des adultes. Il n’y a pas de mineurs parmi elles. Par contre, il est important de signaler que l’on constate actuellement une forte implication des femmes dans la consommation, la vente et la détention de drogue.

Hommes et femmes sont-ils traités de la même manière dans les procédures judiciaires impliquant la drogue ?
Il n’y a aucune distinction entre hommes et femmes. Seulement, l’enquête et l’instruction sont secrètes. Cela signifie que les personnes sont entendues séparément, qu’on leur notifie les charges, et qu’en fonction de leurs réponses, elles sont déférées. Jusqu’à cette étape, le traitement est identique. Mais j’aimerais mettre un bémol: une fois détenu, il y a des cellules pour mineurs, pour femmes et pour jeunes. C’est donc au niveau carcéral que les distinctions sont faites. Mais pendant la phase d’enquête, il n’y a pas de différence.
Que pouvez-vous nous dire sur le cas récent impliquant une femme dans le trafic de la drogue à Coyah ?
Ce dossier, nous l’attendons de la part de la police. Car au-delà de cette interpellation, nous avons voulu approfondir les enquêtes. Nous avons demandé la perquisition de plusieurs lieux, car nous soupçonnons que certaines familles soient aujourd’hui complices de la détention et de la garde de drogue. Nous supposons qu’un kilo est insuffisant par rapport à ce que nous estimons être la vraie quantité. Les enquêtes sont en cours, et une fois terminées, le dossier nous sera transmis.
Un dernier mot ?
Le mot que j’ai, c’est d’abord de remercier la presse pour le travail inlassable qu’elle effectue. Mais aussi d’interpeller les parents et de les sensibiliser à redoubler d’efforts dans la surveillance et l’éducation des enfants.
Parce qu’aujourd’hui, plusieurs d’enfants, surtout des jeunes hommes, se retrouvent dans la rue. Vous-même, vous avez vu, la drogue kush est souvent fatal pour les enfants. Une fois consommée, souvent, c’est la mort qui s’ensuit. Donc, nous interpellons les parents, les adultes, les enfants, les sages, et les autorités à tous les niveaux, pour plaider en faveur de la lutte contre la drogue et les infractions assimilées.
Interview réalisée par
Mariama Dalanda Bah