C’est par la projection d’un film intitulé « Un matin bonheur » samedi 2 août, l’Ong Impact Jeunesse a commémoré les 26 ans de la disparition de Yaguine Koïta et de Fodé Tounkara, deux adolescents Guinéens retrouvés morts dans le train d’atterrissage d’un avion à Bruxelles, en Belgique le 2 août 1999.
Partis de la Guinée le 29 juillet 1999, Yaguine Koïta (né le 25 septembre 1984) et Fodé Tounkara (né le 6 avril 1985) ont succombé au froid extrême durant le vol. Il a été retrouvé dans leurs affaires des sacs en plastique contenant leurs certificats de naissance, cartes de scolarité, photos, ainsi qu’une lettre bouleversante qui avait fait la Une des médias du monde entier.

Dans leur lettre adressée aux responsables d’Europe, ces adolescents interpellaient les dirigeants sur la situation des enfants en Afrique : « Nous vous supplions de nous aider, nous souffrons énormément en Afrique, aidez-nous, nous avons des problèmes et quelques manque des droits de l’enfant ». Pour Fatoumata Ly, porte-parole de Impact Jeunesse, cette lettre était un acte d’accusation contre un système qui pousse des enfants à choisir la mort plutôt que l’immobilité. « Cette histoire n’est pas une exception, elle est pour des milliers de jeunes africains qui, chaque jour, bravent les déserts et les mers. Nous voulons leur rendre hommage mais aussi à tous les Yaguine et Fodé anonymes. Cela ne doit pas rester une simple tragédie, elle doit nous pousser à réfléchir collectivement sur les causes profondes de la migration, sur les réalités que vivent nos jeunes, l’injustice, les inégalités et sur la responsabilité qui incombent à chacun de nous, dirigeants, parents, éducateurs, citoyens de construire un monde plus juste, plus solidaire et plus ouvert », a déclaré la porte-parole de Impact Jeunesse. Fatoumata Ly a interpellé les dirigeants qui devraient se rappeler que les politiques publiques doivent offrir des alternatives concrètes à l’exil. Selon elle, les partenaires internationaux devraient accompagner les États pour bâtir des écoles, pas des murs, à offrir des opportunités, pas de barrières. «A nous, chers jeunes, notre vie est précieuse, ensemble exigeons le changement mais construisons le aussi ici par l’entrepreneuriat, l’engagement citoyen et la solidarité. Yaguine et Fodé ne sont pas morts pour rien, leur héritage c’est notre combat, leurs voix c’est désormais la nôtre. Puissions-nous tous ensemble faire en sorte que plus aucun enfant ne soit contraint de s’envoler clandestinement, pour chercher une vie meilleure ailleurs. Puissions-nous bâtir une société où chaque jeune trouve sa place chez lui, dans la dignité et dans l’espérance », a-t-elle lancé à la jeunesse.

Rêve brisé
Yaguine et Fodé, amis inséparables, vivant dans des familles modestes, déjà en classe de 6ème année, étaient très ambitieux. Mais ils ne voyaient aucune issue que d’aller en Europe où ils pensaient vivre leur rêve. Selon Limane Koïta, père de Yaguine, les enfants ont préparé ce voyage en secret. Selon lui, Yaguine a quitté la maison le 28 juillet pour, dit-il, aller rejoindre son petit frère, chez sa grand-mère à Kaloum. Alors qu’il envisageait ce voyage qui lui sera fatal. « Ce n’est qu’après la récupération de leurs corps que nous avons découvert les lettres qu’ils avaient laissées. Dans ces courriers, ils s’adressaient aux dirigeants européens, leur demandant de l’aide. Ils rêvaient d’aller étudier en Europe et de revenir transformer la Guinée, comme l’Europe. Fodé voulait devenir médecin, Yaguine, pilote. »
Les familles, des laissées pour compte
Malgré la mobilisation à l’époque autour des familles des deux adolescents et les plaintes déposées, 26 ans après, leurs parents n’ont rien bénéficié. Pourtant, affirme le père de Yaguine, il y avait eu des promesses d’indemnisation faites par les responsables de la compagnie Sabena à l’État guinéen, mais « elles n’ont jamais été tenues. Aucune bourse d’études, aucun dédommagement pour les familles. Une ONG belge avait accompagné les corps et promis deux bourses pour chaque famille afin de permettre à deux enfants de chaque foyer, d’aller étudier en Belgique, puis de revenir soutenir leurs parents. Nous avions même obtenu des passeports, grâce à l’intervention du ministère de l’Intérieur. Mais à notre grande surprise, ces places ont été attribuées à des personnes qui ne faisaient pas partie des familles de Yaguine et de Fodé. Elles ont été vendues à des inconnus. Nous avons tout essayé, sans succès. À chaque fois que je pense à Fodé et à Yaguine, j’ai l’impression que le drame vient de se produire », témoigne Limane Koïta.
La mort tragique des deux jeunes n’a pas limité l’immigration irrégulière de la Guinée vers l’Europe. Bien au contraire.
Mamadou Adama Diallo