Dans la nuit du 16 novembre, quatre membres de la famille de l’artiste reggaeman Elie Kamano auraient été enlevés par des inconnus à leur domicile, dans la commune de Matoto. De quoi susciter inquiétudes et réactions dans l’opinion.

Les otages sont deux enfants de l’artiste en exil, son neveu et son frère (gendarme) qui habitaient chez lui, à Matoto. Les proches de l’artiste, par ailleurs leader du Parti guinéen pour la solidarité, la démocratie et le développement (PGSD), ont été kidnappés à l’aube du 16 novembre. Il s’agit de Saa Faoulan Kamano, 14 ans ; Robert Kamano, 16 ans ; Antoine Sandouno (neveu), 16 ans ainsi que leur tuteur et oncle Fomba Kamano, gendarme.

Un autre neveu d’Elie Kamano âgé de sept ans, dont l’identité n’a pas été dévoilée, a été relâché peu après. Les autres sont toujours aux mains de leurs ravisseurs, au moment où nous mettions en ligne.

Hormis les déclarations de l’artiste, très critique à l’égard du pouvoir et qui vit hors du pays, peu d’informations filtrent sur ce nouveau cas d’enlèvement présumé qui fait suite à d’autres. Selon un témoin interrogé par notre rédaction, une dizaine d’hommes ont fait cette nuit irruption chez les Kamano à bord de deux voitures 4×4, armés et encagoulés. Ils « ont trouvé un des fils d’Elie Kamano dans la cour et l’ont intimé de leur montrer ses frères, sans faire du bruit. Il a obtempéré. »

Le CNRD indexé

La même source décrit des ravisseurs en civil, avec des casquettes et d’autres « en treillis et encagoulés. Nous n’avons pas pu les identifier ni relever les plaques d’immatriculation des véhicules. Les assaillants étaient nombreux. J’en ai vu dix, répartis en deux groupes. »

En raison d’un anniversaire célébré jusque tard dans le quartier, des jeunes veillaient encore lorsque les visiteurs indésirables ont débarqué sur les lieux. « Quand les ravisseurs ont ouvert le feu, tout le monde est rentré. J’ai entendu trois coups de feu vers 4 heures du matin », explique le témoin.

D’ordinaire, les enfants d’Elie Kamano ne sortent de leur maison que pour se rendre à l’école. Robert Kamano et Antoine Sandouno font la 10e année. Enlevés, les candidats au Brevet d’études du premier cycle (BEPC) sont absents des cours depuis le 17 novembre.

La maison de l’artiste est en désordre : armoires ouvertes, des habits éparpillés dans les chambres. Cependant au salon, tout est ordonné.

Le 17 novembre, dans des vidéos publiées sur sa page Facebook, Elie Kamano accuse le pouvoir d’être à l’origine du kidnapping de ses proches. Un rapt qu’il lie à ses critiques contre le Comité national du rassemblement pour le développement (CNRD). C’est « parce que je refuse de m’associer au régime, soutient l’artiste. Toute personne qui s’oppose au régime, si le pouvoir ne peut pas l’atteindre, il s’attaque à sa famille. »

Or, proteste Elie Kamano, les membres de sa famille ne devraient pas faire les frais de ses opinions : « Aucun enfant ne mérite un traitement inhumain, susceptible de le traumatiser à vie. Ils ne sont ni artistes ni activistes, encore moins des militants. Ils sont innocents. Ramenez-les ! »

Réactions dans l’opinion

Dans une déclaration du 18 novembre, l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme et du citoyen a dénoncé le rapt. « L’OGDH exprime sa vive préoccupation face à la persistance des pratiques d’intimidation, d’enlèvements et d’atteintes à la sécurité visant principalement des voix dissidentes ou les membres de leur famille, dans un contexte déjà marqué par une dégradation préoccupante des libertés publiques. »

Sur sa page Facebook, Cellou Dalein Diallo, opposant exilé et président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), a « fermement » condamné l’acte. Une pratique qui, selon lui, consiste à s’en prendre aux proches de ceux qui, de l’extérieur, « dénoncent et combattent les dérives autoritaires de la junte. »

Pour le leader de l’UFDG, aucun régime ne peut prétendre à la moindre autorité ou légitimité lorsqu’il kidnappe des innocents pour intimider, punir ou faire chanter leurs proches. « Je tiens à exprimer ma solidarité avec Elie Kamano et sa famille et rends la junte responsable de tout ce qui arrivera à ses enfants et à son frère. »

Le 29 septembre, El Hadj Adama Keïta, 75 ans, père du journaliste Mamoudou Babila Keita (autre critique exilé), a été enlevé à Nzérékoré. Yamoussa Youla, responsable du FNDC-Dixinn, a été kidnappé le 3 septembre à Taouayh, commune de Ratoma. Idem pour Oumar Sylla alias Foniké Menguè, Mamadou Billo Bah, Saadou Nimaga, ancien secrétaire général du ministère des Mines, Habib Marouane Camara, journaliste, respectivement enlevés le 9 juillet, le 13 octobre et le 3 décembre 2024.

Souleymane Bah