La Centrafrique est un pays doté de richesses immenses, malheureusement sa population est très pauvre. Les conflits qu’elle a connus et la mauvaise gouvernance ont instauré une instabilité chronique.
Vaste de 623.000 km2, la RCA est un pays enclavé avec le Tchad au nord, les deux Soudans à l’Est, le Cameroun à l’Ouest et le Congo et la RDC au sud. Elle n’est pourtant peuplée que de moins de 5 millions d’habitants. Mais ce grand pays par la superficie l’est aussi par les richesses qui s’y concentrent. Cependant, tout cet immense potentiel est inexploité. Sur les 15 millions d’hectares de terres arables, seulement 700.000 ha sont cultivés. Le pays abrite une forêt tropicale dense de 34 millions d’hectares. Parmi ses ressources minières, de l’or, du diamant, de l’uranium, du fer, du calcaire, du cuivre… mais suite à des erreurs politiques et stratégiques, auxquelles se sont ajoutées la mauvaise gouvernance et l’étendue du pays, le décollage économique ne s’est jamais opéré. Ce paradoxe explique en grande partie la situation que vit ce pays victime de ses dirigeants.
La RCA est l’un des rares pays du continent ayant connu beaucoup de dirigeants, près d’une dizaine de chefs d’Etat, de David Dacko qui proclama l’indépendance à l’actuelle présidente de transition, Catherine Samba-Panza. Un pays pas maudit, loin s’en faut, mais dont il convient de signaler que depuis la mort par crash d’avion de l’abbé Barthélémy Boganda le 29 mars 1959, on a le sentiment que la République centrafricaine a du mal à se trouver une stabilité politique et institutionnelle. La Guinée rit sous cape.
Suite à la disparition tragique de celui qui est toujours considéré dans l’ex-Oubangui-Chari comme le père de l’indépendance, reviendra à David Dacko, le chouchou de Paris, au détriment du « favori » Abel Ngoumba, de prendre le pouvoir. Dans un monde bipolaire marqué par la confrontation idéologique entre le capitalisme et le communisme, le nouveau président n’a pu s’empêcher de « commettre l’erreur » de se rapprocher de la Chine, ce que n’acceptera pas la France, qui poussa le chef d’Etat-major de l’armée centrafricaine, un certain Jean Bedel Bokassa, à prendre le pouvoir lors d’un putsch perpétré le 1er janvier 1966. Ce qui en fait l’un des premiers coups d’Etat en Afrique.
L’empereur Bokassa 1er sera à son tour renversé en 1979 au cours de l’opération « Barracuda », dirigée de main de maître par l’Hexagone, qui y commettra un colonel en charge du commandement des troupes françaises stationnées au Tchad, avec l’appui de la Compagnie du 3e régiment parachutiste d’infanterie de la marine française basée au Gabon. Deux ans après, le 1er septembre 1981, sous la contrainte du commandant de la garde présidentielle, un officier français, David Dacko, est une fois de plus évincé du pouvoir, au profit du général André Kolingba. Ce dernier ne résistera pas au vent de démocratisation qui souffla sur le continent dans les années 90, car il sera lâché lui aussi par le pays de tutelle, la France. C’est ainsi qu’en 1993, à la faveur d’élections Ange Félix Patassé accède au pouvoir. Lui non plus n’arrivera pas à rompre le cycle de l’instabilité, puisqu’il sera évincé du pouvoir à la suite d’une insurrection armée dirigée par le général François Bozizé en 2003. Et comme qui règne par le feu, périt par le feu, il sera renversé à son tour par une coalition de rebelles en 2012 avec la bénédiction de certains pays. Son successeur, Michel Djotoda fera long feu. Un règne de dix mois qui aura révélé son incapacité à normaliser la situation de son pays. C’est tout naturellement du monde qu’il jettera l’éponge le 10 janvier 2014, au profit de Catherine Samba-Panza, désignée comme chef de l’État de transition de la République centrafricaine.
Une élection présidentielle est organisée en décembre 2015 et janvier 2016. Faustin-Archange Touadéra arrive deuxième du premier tour avec 19 % des voix, derrière son opposant, Anicet-Georges Dologuélé dont le score est de 23,7 %. Il est finalement élu président de la République à l’issue du deuxième tour, avec 62,7 % des suffrages contre 37,3 % à Anicet-Georges Dologuélé. Ce nouveau président de la République lance un processus de réconciliation nationale afin de rendre justice aux victimes des guerres civiles, la plupart déplacées à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Pour ce faire, il charge par décret son ministre conseiller, Regina Konzi Mongot, d’élaborer le Programme national de réconciliation nationale et de paix, proposé en décembre 2016, adopté séance tenante à l’unanimité par les organismes internationaux. Pour autant, en juin 2017, les affrontements à Bria, dans le centre-est du pays, font une centaine de morts. Par ailleurs, un comité est également mis en place afin de juger les principaux acteurs et dédommager les victimes. Le 6 février 2019, l’État centrafricain signe avec les 14 principaux groupes armés du pays un nouvel accord de paix négocié en janvier à Khartoum.
Malgré cet accord, 80% du territoire reste contrôlé par des groupes armés et les massacres de populations civiles continuent. En dépit d’une relative stabilité, il faut s’y faire, la RCA est un pays en guerre. Il faudra du temps et des ressources pour que le pays recouvre l’accalmie qu’il connaissait encore il y a quarante ans. Il faudra bien plus que des mots et un ferme engagement de la communauté internationale pour faire revenir la paix dans ce pays meurtri !
Thierno Saïdou Diakité