Amadou Diouldé Diallo, journaliste sportif, historien, homme de culture, a été arrêté samedi 27 février et conduit à la Direction de la Police Judiciaire de Kaloum pour passer le weekend. Des bruits intempestifs sortis de la jungle de Conakry reprochent au journaliste « le délit d’outrage au Chef de l’Etat.» Il y a là un sérieux pas en arrière que la Guinée vient d’accomplir en matière de liberté d’expression et de presse. Pierre Corneille aurait parlé « d’œuvre de tant de jours en un jour effacée.» Quant au Guinéen lambda, il doit exiger de la DPJ une clarté totale sur ses nouvelles prérogatives en matière de restrictions de libertés que ni la loi ni personne d’autre n’ont accordées aux policiers qui ont arrêté Diouldé.

Comprenons-nous cependant ! La densité et le professionnalisme d’Amadou Diouldé Diallo ne font pas de lui un homme au-dessus de la loi. Loin s’en faut. C’est parce que la Guinée a souffert de l’arbitraire qu’elle a fini par se doter de lois pour se protéger, protéger ses citoyens, ses dirigeants, son président  de la république et j’en passe, contre toutes sortes de délits, d’outrages, d’injures, d’injustices et que sais-je encore ! Mais, à présent, le citoyen lambda est plus que déboussolé. La DPJ doit exposer au public les outils qu’elle vient d’acquérir à l’insu de la République. Pour arrêter qui elle veut, quand elle veut. Comme elle veut. Pourtant, il faut le répéter, le pays avait cru se doter d’outils juridiques nécessaires à l’édification de l’État de droit grâce à la volonté de tous, notamment celle d’un policier, ministre de l’Information des années 90 nommé Hervé Vincent Bangoura, un général de l’armée du nom de Fory Coco, qui avait maitrisé avant la lettre les principes de la Baule, le CNT de l’après Dadis. Sans oublier jusqu’à Alpha Condé soi-même. Pour avoir soumis à la Cour Suprême tout l’arsenal des lois sur la liberté de la presse pour validation. Que cette DPJ nous permette de citer ici et maintenant les principaux articles qui assurent la protection du chef d’un État qui a eu l’honneur et la hauteur de vue de décriminaliser les délits de presse. 

Article 98: Ceux qui, sans fondement, sans preuve, par des discours, cris ou menaces dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, graffitis, peintures, caricatures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image, vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par tout autre moyen de communication audiovisuelle, en ligne, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre des infractions qualifiées de délits de presse sont passibles d’une amende de 1 000 000 GNF à 5 000 000 GNF. Si la provocation a été suivie d’effet, ils sont punis comme complices. Cette dernière disposition est également applicable lorsque la provocation n’aura été suivie que d’une tentative de crime.

Article 105: Par l’un des moyens énoncés à l’article 98, ceux qui offensent le Président de la République et, en cas de vacance, la personne qui détient tout ou partie de ses prérogatives, sont punis d’une amende de 1 000 000 gnf à 5 000 000 gnf. Les mêmes peines sont applicables à ceux qui offensent les chefs d’Etat et de gouvernements étrangers, aussi bien quand ils se trouvent en Guinée que dans leurs pays. Toutefois, il ne peut y avoir de poursuite dans ce cas que sur la plainte de la personne offensée. L’offense par l’un des moyens énoncés à l’article 98 envers les ministres des gouvernements étrangers, les ambassadeurs ou autres agents diplomatiques accrédités près du gouvernement guinéen est punie d’une amende de 500 000 gnf à 1 000 000 gnf. Héritée de Mussolini et de son Italie fasciste de l’époque, le CNT est allée jusqu’à maintenir cette clause !

Article 106: Toute communication par quelque moyen que ce soit, de fausses nouvelles, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers, lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé l’ordre public ou aura été susceptible de la troubler, est punie d’une amende de 500 000 gnf à 2 000 000 gnf. Lorsque la publication, la diffusion ou la reproduction, faite de mauvaise foi, est de nature à ébranler la discipline ou le moral des armées ou à entraver l’effort de guerre de la Nation, une amende de 5 000 000 gnf à 10 000 000 gnf est infligée à l’auteur.

Si nous appartenons à la même république que la DPJ, l’article 134 doit obligatoirement empêcher Amadou Diouldé Diallo de se morfondre entre les quatre murs d’un commissariat tout un weekend. Il dit ceci: Le délai entre la citation et la comparution est vingt jours francs. Toutefois, en cas de diffamation ou d’injure pendant la campagne électorale contre un candidat à un mandat électoral, ce délai est réduit à vingt quatre heures, outre le délai de distance, et les dispositions des articles 135 et 136 de la présente loi ne seront pas applicables.

Mieux ou pire! Plus d’un journaliste s’était réjoui de la présence du Général Fabou à la cérémonie de lancement de la carte de presse organisée par la HAC dans les locaux de la RTG à Koloma le 1er février dernier. Cette  cérémonie aurait dû rappeler à Fabou les deux précieuses choses qu’il a en partage avec les journalistes. La première relève de la formation. Dans toute école de journalisme qui se respecte, les cours d’investigation se font en tronc commun avec la police. L’usage en est naturellement différent. Nous partageons également avec la flicaille le terrain, l’actualité brûlante. Même si en Guinée, on sait parfaitement qui brûle qui.

En tout état de cause, la DPJ ne peut pas ne pas clarifier sa position. Si les lois de la république sont encore en vigueur dans toute la république, la DPJ peut jurer qu’elle n’a rien à avoir avec les délits de la presse. Les investigations se font ailleurs. Le plus simplement du monde. Si en revanche, elle s’est dotée de lois que la loi tarde à connaitre, de grâce qu’elle conduise Amadou Diouldé Diallo directement à l’hôtel 5 étoiles de Coronthie dès lundi matin. Qu’elle n’aille surtout pas salir un magistrat, un procureur quelque part à Dixinn ou ailleurs. Celui-ci risque de ne pas oser dire : « monsieur de la DPJ, soyons clairs ! Trimballez votre otage loin d’ici. La Justice, c’est autre chose ! »

DS