Quelques semaines après le coup d’Etat militaire qui a renversé le président Alpha Condé en Guinée, Reporters sans frontières (RSF) vient d’achever une mission de consultations au terme de laquelle dix recommandations ont été transmises aux nouvelles autorités pour garantir et promouvoir la liberté de la presse pendant la période de transition décisive qui vient de s’ouvrir dans le pays.
Accès à l’information, réformes légales et institutionnelles, sécurité des journalistes, indépendance de l’organe de régulation, soutien aux médias et à la professionnalisation du secteur… Reporters sans frontières (RSF), en partenariat avec l’Alliance des médias pour les droits humains (AMDH), vient de conclure une mission de deux jours en Guinée au terme de laquelle notre organisation a pu mener une série de consultations et proposer dix recommandations pour garantir la liberté de la presse en Guinée pendant la transition. Le 5 septembre dernier, le pays a connu un nouveau coup d’Etat militaire qui a mis fin au pouvoir du président Alpha Condé.
RSF a notamment rencontré plusieurs journalistes et responsables d’associations de médias, le président et plusieurs membres de la Haute autorité de la communication (HAC) ainsi que le tout nouveau Premier ministre Mohamed Béavogui investi le six octobre. Ce dernier a fait part de son engagement et celui du président à protéger la liberté de la presse pendant la transition.
“La Guinée est sans doute à un tournant de son histoire et la refondation du pays que le colonel Mamadi Doumbouya, désormais président de la transition, a appelé de ses voeux ne pourra voir le jour en l’absence de garanties sérieuses et de réformes concrètes pour que les journalistes puissent librement et de manière responsable exercer leur mission d’information, a déclaré le responsable du bureau Afrique de RSF Arnaud Froger lors d’une conférence de presse organisée à Conakry ce mardi 26 juillet. Nous espérons que les autorités de transition ouvriront une nouvelle ère pour le journalisme en Guinée, en s’appuyant notamment sur les recommandations transmises au cours de cette mission”.
“La Guinée ne peut plus se tromper”
Depuis la prise de pouvoir des militaires, l’accès aux informations et aux événements officiels s’est avéré difficile, notamment pour la presse privée. L’irruption des forces spéciales, le 9 octobre, dans l’enceinte d’une radio tenue par un proche de l’ancien président avait également suscité l’inquiétude des journalistes. Hier, des représentants de la radio publique RTG ont également été reçus par le Comité national du rassemblement et du développement (CNRD) alors qu’ils protestaient contre le manque de moyens dont ils disposent pour assurer leurs fonctions
“La Guinée ne peut plus se tromper et les journalistes du pays auront un rôle essentiel à jouer pour éviter l’injustice, la corruption et la mauvaise gouvernance qui ont prévalu depuis trop longtemps, a ajouté Chaikou Baldé, le président de l’Alliance des médias pour les droits humains (AMDH), organisation partenaire de RSF en Guinée.
La Guinée a perdu 23 places depuis 2013 et occupe désormais le 109e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF.
Les 10 recommandations de RSF pour garantir la liberté de la presse pendant la transition en Guinée :
- Le président de la République et le gouvernement de transition affirment le caractère fondamental de la liberté, de l’indépendance et du pluralisme du journalisme pour la vie démocratique et la société guinéenne.
- Les autorités respectent le droit pour les journalistes des médias publics comme privés d’accéder librement aux informations et événements d’intérêt national.
- Les autorités guinéennes s’engagent à respecter la loi sur la liberté de la presse de 2010 mettant fin aux peines privatives de liberté pour les délits de presse en Guinée, et à cesser dans le même temps, les arrestations et emprisonnements arbitraires de journalistes pour des délits de presse.
- Le président de la République s’engage à promulguer dans les plus brefs délais la loi sur l’accès à l’information adoptée en 2010.
- Le gouvernement garantit un environnement ouvert, libre et sûr aux journalistes. Les forces de l’ordre veilleront à préserver la sécurité des journalistes pendant les manifestations et à ne pas recourir aux confiscations de matériels.
- La Haute Autorité de la Communication (HAC) garantit, comme la loi l’indique, le respect de “la pluralité, de l’expression des courants de pensée et d’opinion” dans les médias en assurant un “rôle de soutien et de médiation en vue d’éviter le contrôle abusif des médias par le gouvernement”. Elle veillera à respecter la liberté et l’indépendance des radios et télévisions en s’abstenant de toutes décisions non fondées en fait et en droit.
- L’indépendance de la HAC vis-à-vis du pouvoir exécutif devra être renforcée, en modifiant, par exemple, le mode de nomination de ses membres, en y intégrant plus de professionnels issus des médias indépendants, et en évitant un pouvoir de nomination accru des membres de la part du chef de l’Etat.
- Le gouvernement crée un fonds de soutien financier distribué de manière transparente, équitable et impartiale aux entreprises de presse afin qu’elles puissent poursuivre leur activité et faire face aux conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 sur le secteur.
- Le gouvernement s’engage à développer et améliorer la formation, en particulier la formation continue, pour répondre aux besoins des journalistes et favoriser la production d’une information indépendante de qualité.
- Le gouvernement s’engage à poursuivre les auteurs d’exactions commises à l’encontre des journalistes pour mettre fin à un climat d’impunité délétère pour la liberté d’information.
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REPORTERS SANS FRONTIÈRES/ REPORTERS WITHOUT BORDERS
Arnaud Froger
Responsable du bureau Afrique / Head of the Africa desk
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