Facinet Touré disait ceci en 2017 : «Il y a eu beaucoup de choses que Dieu n’aime pas dans notre pays. Aussi bien au temps du PDG qu’à notre temps, le CMRN et par la suite. Il y a eu trop de mal, trop de crimes que Dieu ne pardonne pas. C’est pourquoi il nous fait payer ça petit à petit chaque jour. Quand nous croyons que nous sommes libres, on était sous l’eau, on sort la tête pour pousser le ouf de soulagement, les péchés là nous tirent encore par le bas. C’est pourquoi quand on choisit telle chose, on laisse telle, le lendemain déjà, on regrette.
J’ai été en prison au camp Boiro deux fois. Il y a ce que j’ai vu, il y a ce qu’on m’a fait. Des enfants dignes de ce pays, bien nés qui ont fait beaucoup pour que la Guinée devienne indépendante. Quelle est la récompense qu’ils ont eue ? On les a arrêtés, humiliés, torturés, on les a tués et jetés dans des fosses communes. J’ai vu des gens appeler le bon Dieu jusqu’à tirer le dernier soupir. Aujourd’hui, ils sont sous terre, on ne les entend pas gémir, pleurer ou se lamenter. Croyez-vous que Dieu va accepter que nous allions construire nos villas sur ces charniers ? Ce n’est pas possible.
C’est pourquoi nous devons avoir le courage de faire une lecture correcte des récentes pages de notre histoire pour que ceux qui doivent demander pardon le fasse à ceux auxquels il faut demander. Ceux auxquels on demande pardon accordent leur pardon sincèrement. Après ça dans toutes les mosquées, les temples, les églises du pays, organisons des prières, faisons des sacrifices. Ainsi seulement Dieu nous pardonnera, il va absoudre nos péchés. Tant qu’on n’aura pas le courage de faire cela, ça ne passera pas.
Pour que nos enfants, nos petits enfants qui vont venir après vivent mieux que nous, acceptons de faire ce sacrifice. Le premier régime n’a pas été parfait, le second, le nôtre (CMRN), n’a pas été parfait non plus, celui qui est venu ensuite ne l’a pas été et celui que nous vivons maintenant-là, n’est pas parfait. Donc, tous ces péchés-là accumulés, Dieu peut les faire payer à tout le monde alors que ce n’est pas tout le monde qui est responsable.
Sauf lors de la première République, tous ceux qui sont morts, c’est nous tous qui les avons tués, ce n’est pas le Pouvoir seulement. On a vu ici les hommes troquer leurs pantalons contre les pagnes des femmes. Seules les femmes pouvaient faire quelque chose, les hommes n’osaient pas. Personne n’osait ouvrir la bouche par peur d’aller en prison. Donc, nous avons tous à nous faire pardonner.
Ce n’est pas seulement ceux qui avaient le pouvoir qui faisaient le mal. Il y a des gens qui se promènent ici tranquillement dans cette ville, partout où vous les voyez, vous avez envie de vous mettre à genou pour les saluer, alors qu’ils ont fait plus de mal dans ce pays, que ceux avaient le pouvoir. En adressant des lettres anonymes aux dirigeants, en faisant en sorte que quelqu’un qui a les yeux sur ta femme, il n’a pas d’autres moyens pour l’avoir, il fait tout pour te traiter de contre-révolutionnaire pour qu’on t’envoie en prison. Ça s’est passé dans ce pays».
Une synthèse d’Aliou Bah