Le Lieutenant-Colonel Mamadi Doumbouya parle de tout sauf de l’essentiel : le délai de la Transition et la composition de son CNRD. Il est comme ça, Mamadi Doumbouya, il ne parle que de ce qui l’arrange. A l’évidence, dans son esprit de militaire, le mot transition a quelque chose de brutal et d’illimité. Cet homme n’a nulle envie de transiter, il veut s’installer le plus longtemps possible, il veut s’éterniser. Il veut gouverner la Guinée comme Dieu règne au ciel.
En huit mois, nous avons eu le temps d’ouvrir les yeux. Ce putschiste que nous avions applaudi des quatre mains le 5 Septembre dernier, n’est pas venu au pouvoir pour sortir la Guinée de la merde mais pour l’enfoncer. Tout ce qu’il dit, tout ce qu’il fait, va dans ce sens. Nous attendions le sauveur, nous avons eu le forban. Et pourtant, ce 5 Septembre aurait pu devenir un grand jour aussi bien pour sa moderne personne que pour le pays. Avec un peu plus d’intelligence, il aurait embrassé une grande destinée et mis le pays sur l’orbite de la renaissance. Mais non, il est tombé très vite dans les gouffres qui ont englouti ses prédécesseurs : le vice de l’arrogance et le piège sans fin de la parentèle.
Je ne le répéterai jamais assez : rien ne lui donne le droit de baptiser l’aéroport de Conakry du nom du sanguinaire, Sékou Touré. Seul un gouvernement sorti des urnes a le droit de prendre une telle décision. Cet acte est illégal, c’est aussi la pire entrée en matière, pour quelqu’un qui prétendait réunir les Guinéens et panser les plaies du passé. Sékou Touré reste un élément particulièrement clivant. Le réhabiliter de manière aussi cavalière, c’est profaner les tombes (ou plutôt les fosses communes) de ses victimes, c’est diviser d’avantage ce peuple que ses stupides dirigeants ont artificiellement divisé.
Les plaies, vous ne les avez pas pansées, Lieutenant-Colonel, vous les aggravez chaque jour un peu plus. Vous vous comportez comme si vous étiez le propriétaire du pays. Vous décidez seul et dans l’opacité la plus totale ! Si on vous laisse faire, on va tout droit vers la dictature militaire.
La Guinée est-elle maudite ? Encore une fois, notre sinistre histoire se répète ! Encore une fois, sous nos yeux aveuglés par la lâcheté collective, le héros est en train de se métamorphoser en tyran ! Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté, Alpha Condé et maintenant, Mamadi Doumbouya ! Réussirons-nous un jour à briser le cycle infernal de la tyrannie et du sous-développement ? Sortirons-nous un jour de nos réflexes avilissants de la soumission et de la peur ?
Guinéens, il est temps de nous réveiller ! Il est temps de défendre nos droits, fût-ce au prix de notre sang ! Ne remplaçons pas une dictature civile par une dictature militaire ! Il ne tient qu’à nous de changer le cours des choses, de rompre avec ce passé purulent que nous ont imposé nos abominables dirigeants. Sortons de la passivité, arrêtons de subir ! Imposons une transition brève et honnête ! Exigeons des élections libres et transparentes ! Nous avons et le droit et la capacité de le faire. Ne nous laissons pas bluffer ! La seule et unique raison d’être d’une transition, c’est d’expédier les affaires courantes et de rétablir l’ordre constitutionnel. Les « Assises Nationales », la récupération des bâtiments publics, la lutte contre la corruption, comme toutes les questions de fond, reviennent à un gouvernement normalement constitué. Mamadi Doumbouya ne les utilise que pour gagner du temps et renforcer sa dictature militaire.
Disons-lui, stop maintenant, tout de suite !
Tierno Monénembo