La rencontre qui s’est déroulée cette semaine entre le RPG-AEC et alliés d’une part et le G58 dont l’UFDG, d’autre part, est diversement appréciée au sein de l’opinion et même de la classe politique. Certains parlent d’une alliance contre-nature au regard des divergences très profondes entre ces deux formations politiques. S’il ne s’agissait que de divergences politiques, l’on pouvait encore comprendre. Mais quand on pense à la répression féroce qui s’est abattue sur l’UFDG et ses militants et sur laquelle le RPG-AEC a souvent fermé les yeux s’il ne l’a pas expliquée ou justifiée parfois. L’on a encore en mémoire les propos d’un éminent responsable du RPG-AEC selon lequel quand il s’agit de certains quartiers de Conakry, réputés favorables à l’UFDG, il ne s’agit pas de maintien d’ordre mais de lutte contre le grand banditisme. Une façon à peine voilée de justifier le caractère violent de la répression et l’usage disproportionné de la force dans ces quartiers Personne ne peut contester que le parti de Cellou Dalein Diallo ait payé un lourd tribut dans le combat pour la démocratisation de la Guinée. Il n’est pas utile d’en dresser le bilan.
Que l’UFDG se rapproche du RPG-AEC moins d’un an après la chute du régime d’Alpha Condé qui a fait boire le calice jusqu’à la lie à l’ancien chef de file de l’opposition et à ses militants, cela peut être légitimement vu d’un mauvais œil. Il ne suffit pas de dire que c’est un jeu d’intérêts ou de soutenir que la politique est dynamique et non statique pour dissiper ce malaise. On peut bien comprendre le souci de l’UFDG de briser cette fausse image de parti fermé qu’on lui colle. Mais ce parti doit savoir tirer les leçons d’un passé qui est encore très présent dans les esprits. En sachant parfaitement où se situent ses intérêts et comment les défendre, elle pourra ainsi déjouer les pièges qui pourraient lui être tendus. En tout cas, une chose reste claire: très souvent, certains acteurs politiques se sont toujours servis de l’UFDG, une des formations politiques les plus solides du pays, pour atteindre leurs objectifs. En cas de manifestations aujourd’hui, l’UFDG est sans doute le parti politique qui mobiliserait le plus de monde. Et on dira l’opposition guinéenne de façon générale alors qu’il existe des acteurs politiques dits de l’opposition incapables de réunir même une centaine de personnes et ne peuvent mobiliser même leurs familles biologiques.
Le 28 septembre 2009, le » Stade » était rempli en très grande majorité des militants de l’UFDG et c’est parmi eux qu’il y a eu le plus grand nombre de victimes. Et plus tard, lorsqu’on évoquait le sujet de la justice pour ces victimes, le président du RPG-AEC, devenu président de la République, déclarait que ce n’était pas la priorité. Il ajoutait même que les Guinéens ont plus besoin d’eau et d’électricité que d’un procès sur les événements tragiques. Durant ses onze années de présidence, Alpha Condé n’a marqué aucune volonté sincère d’organiser un procès sur ce dossier. Il a multiplié les « plans » pour renvoyer aux calendes grecques la tenue d’un procès, au grand désarroi des victimes et familles de victimes. Et dans le but toujours d’étouffer cette affaire, il s’est employé à créer une sorte de concurrence ou rivalité mémorielle en affirmant que les victimes du 28 septembre ne sont pas les seules en Guinée. Et beaucoup ont repris à leur compte cette argumentation. Il faut rappeler que son parti était l’un des principaux organisateurs de ce meeting de l’opposition qui a tourné au drame. Ce sont les manifestations qui ont été à la base de la seconde phase de la transition qui a abouti à l’élection d’Alpha Condé à la tête du pays.
S’unir pour faire face à ce qui est perçu de plus en plus comme une volonté d’écarter la classe politique de la conduite de la transition, est une excellente initiative. Mais il est important de faire en sorte que l’UFDG et ses militants ne soient pas les dindons de la farce dans une sorte de jeu de dupes.
Me Mohamed Traoré