Le rendez-vous n’a souffert d’aucun retard. Le rapport final du cadre du dialogue inclusif et inter-guinéen a été présenté le 21 décembre aux autorités de la Transition, dont le Colonel Mamadi Doumbouya. Les trois facilitatrices, ses conceptrices, ont soumis un document, quasi complet, d’une quarantaine de pages, censé servir encore de boussole au retour sans heurts à un pouvoir civil.
Le parcours en diagonale du texte dégage au moins deux impressions : l’absence qu’édulcore la terminologie lénifiante des gros bonnets de la politique classique guinéenne, la volonté ferme d’implanter la parité homme-femme. Des soucis, on ne peut plus, légitimes. L’histoire récente du pays a connu d’énormes déficits en la matière. La classe politique n’aura pas toujours bien négocié les virages historiques depuis notre accession à l’indépendance. On ne sait plus que penser de la sortie de feu Jean Marie Doré selon laquelle « l’opposition guinéenne est la plus bête d’Afrique. » Un survol des pays environnants pourrait inciter plus d’un à y ajouter les gouvernants et leur gouvernance, serait-ce que par mesure d’équité. Quant au déficit de parité, cela saute aux yeux. L’équipe des facilitatrices a dû le constater… « à l’envers. »
Pour le reste, le rapport n’a pas déçu. Comme d’habitude. La Guinée s’est toujours dotée d’excellents textes juridiques. Leur application à soi et autrui résume parfaitement le casse-tête guinéen. Il est heureux que mesdames les facilitatrices aient consacré au Président de la République quelque 656 des 6 565 mots que compte le rapport. Le comportement d’un Président normal occupe une place de choix, mais est-ce suffisant ? Pour peu que l’on considère le passé de ce pays, tant lointain que récent, on peut difficilement s’empêcher de s’intéresser à un bilan, une manière de solde, d’un nouveau point de départ, avant de vouloir ajouter des textes aux anciens pour dresser tranquillement le portrait-robot du successeur du Colonel Mamadi Doum-bouillant. Avec ses prédécesseurs, on aura tout vu.
Sûr que la littérature en la matière n’est pas pauvre sur le séjour au palais président-ciel. On a même rappelé à François Hollande ce qu’un Président ne doit pas dire. Mais chez nous, est-il pensable de décliner ce qu’un chef d’État ne doit pas faire ? Il est heureux de constater que les facilitatrices aient insisté carrément sur le retour à la constitution de 2010. Elles ont recommandé la limite du nombre et de la durée du mandat. En revanche, elles ont oublié de faire état d’au moins deux maux sur le minimum exigible du présidentiable. On a tout vu dans ce pays. A commencer par la belle unanimité de la Guinée française à se débarrasser du « méchant colon. » La plupart de ceux qui y ont œuvré ont péri dans la cinquième colonne. Quand les révolutionnaires deviennent minoritaires, la révolution ne peut que dévorer ses enfants, Tous ses enfants. Comme Saturne.
Les facilitatrices auraient été bien inspirées si, comme le CNRD qui les a mandatées, elles avaient élaboré une charte citoyenne à l’intention des futurs candidats à la magistrature suprême, une espèce de cure d’amaigrissement au cas où l’élu du peuple prendrait des allures d’un bandit de grand chemin. En filtrant efficacement les candidatures au poste de président de la République, le CNRD concrétisera sa volonté de rompre l’interminable chaine de transitions qui jalonnent l’histoire de cette Guinée qui vieillit dans la misère et la tourmente. Le réussira-t-il dans la solitude ? Sûr que non !