En prélude de la manifestation « pacifique » du jeudi 16 février contre ‘’la gestion unilatérale’’ de la Transition par la junte, le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) et le Parti de l’espoir pour le développement national (PEDN) s’affrontent par médias interposés.

Le 16 février dans le Grand-Conakry, en battant le pavé, le Front entend exiger encore la libération de ses leaders, le retour à l’ordre constitutionnel, le respect des droits fondamentaux, la mise en place ‘’d’un cadre de dialogue fécond’’, et j’en passe.

Si l’inter-coalition (Anad, FNDC-Politique, Rpg arc-en-ciel…) soutient le Front, le PEDN de Lansana Kouyaté voit d’un mauvais œil la manifestation. A l’assemblée générale hebdomadaire de son parti, le 11 février, il a désapprouvé l’initiative du Front. «Je suis contre (…). On va passer le temps à manifester et à envoyer les gens à l’abattoir. Pourquoi ? C’est irresponsable. Comme je l’ai souligné, une guerre peut mettre fin à une guerre, mais si une première guerre met fin à une deuxième guerre, la troisième viendra. Parce que ceux qui seront battus, leurs descendants vont encore attaquer. Toutes les guerres finissent autour de la table où on trouve un accord respectable (…)».

Ce discours de Lansana Kouyaté a irrité le Front, dont nombre de leaders croupissent en prison depuis août 2022, pour ‘’trouble à l’ordre public’’. Le responsable stratégies et   planification du Front, Sékou Koundouno, en exil, a réagi aux propos de Lansana Kouyaté, le 12 février. «Pour un homme politique ou un acteur de la société civile, soutenir un tel argument est le comble de l’hypocrisie et de la duplicité. Quelle que soit la haine qu’il peut avoir vis-à-vis d’un autre homme politique ou acteur de la société civile, un homme politique ou un acteur de la société civile ne doit pas soutenir certains arguments. Lorsqu’on entend des acteurs politiques ou acteurs de la société civile affirmer que manifester, c’est aller à l’abattoir, on se demande s’ils ont cru un seul instant aux principes pour lesquels ils prétendaient se battre». Pour Sékou Koundouno, s’il y a des morts ou blessés par balles dans une manifestation, «ce n’est jamais la faute des manifestants, mais de ceux qui ont tué ou blessé».

Autres actes, autres acteurs

Mohamed Cissé, porte-parole de Lansana Kouyaté, vient à la rescousse, le 13 février, soulignant que le leader du PEDN a dépassé l’âge du ring. «Il est à l’âge d’éducation de ceux qui prennent l’espace public comme lieu d’expression d’un tempérament radioactif, de toute pensée qui traverse la tête pourvu que cela donne quelques likes et financements occultes. Ce n’est que le résultat d’une éducation de type maquisard et violente». Pour lui, la parole publique ne s’adresse pas qu’à celui qu’on croit répondre, mais à «tous ceux dotés de bons sens et qui savent distinguer l’agitation de la sérénité, le réalisme du rêve d’immature et le patriotisme du populisme sous fond de dégâts publics organisés. La Guinée mérite l’apaisement, la transition nécessite dialogue et collaboration. Et la vie publique exige courtoisie, élégance et civilisation dans la contradiction.»

L’exilé Abdoulaye Oumou Sow,  responsable de la communication du Front, n’a pas tardé à répliquer. Pour lui, la sortie de Lansana Kouyaté ne «saurait être digne de celui qui est arrivé à la Primature à la suite d’une grogne sociale qui s’est soldée par des dizaines de morts et des centaines de blessés». Allusion à la tuerie de janvier et février 2007 lors de la grève générale de l’intersyndicale CNTG-USTG contre la cherté, sous Général Lansana Conté.

«Cela paraît plus incongru que celui qui a été à un certain moment à la tête des manifestations pour le respect des textes et des droits citoyens, puisse se permettre pareille sortie de piste. Oui, Lansana Kouyaté peut trouver inopportun, irresponsable de tenir manifestation puisqu’il pense être dans les bonnes grâces de la junte militaire au pouvoir. C’est stupide à la limite cruelle que cela l’amène à banaliser la vie des citoyens voulant exercer un droit consacré par la Charte de la transition, mais également dans les conventions et traités souscrits par la Guinée».

Yaya Doumbouya