Le 20 octobre dernier, les ouailles du ministre de la Fonction publique, Julien Yombouno, ont annoncé une nouvelle qui a rempli d’aise, de bonheur et de tout ce qui titille le cœur, l’immaculée âme des jeunes Guinéens. Ils ont annoncé d’heureuses perspectives depuis longtemps perdues.

La bonne parole qui sonne le glas de la désespérance et des douloureuses nuits cafardeuses, mortifères pour les mouflets du pays, est tout simplement celle du recrutement d’une cuvée de jeunes fonctionnaires, frais moulus dans l’université nationale et d’ailleurs. La résonance particulière du message s’explique par la rareté du recrutement général et massif.

Depuis belle lurette, l’époque du PREF et du dégraissage de la Fonction publique, la République a cessé de recruter ses enfants sortant de l’école. Chiche, elle a trié sur le volet, par moments, quelques élus ou privilégiés par la famille ou l’amitié, laissant en rade des milliers d’autres. L’exemple des contractuels de l’enseignement est un cas d’école. Ces contractuels sont aujourd’hui la chienlit de ceux qui nous gouvernent tant leur cri d’orfraie et leurs gesticulations leur ôtent le sommeil et perturbent leur quiétude.

Si la République a, durant des décennies, très peu embauché refilant à un secteur privé léthargique en apnée, fuyant sa fonction régalienne de mettre au travail sa jeunesse, de valoriser son capital humain, elle n’a cessé pour autant de multiplier de manière quasi exponentielle ses écoles, collèges, lycées et universités. Pire, la formation dispensée par ces établissements d’enseignement technique et professionnel en nombre encore insuffisant n’est pas en adéquation avec le marché de l’emploi, notamment dans le secteur privé. L’étroitesse de ce marché depuis de nombreuses années a exacerbé le chômage, en particulier celui des jeunes. Voilà pourquoi l’annonce du recrutement d’environ 16 000 nouveaux fonctionnaires a suscité beaucoup d’émoi et de frénésies au sein des chômeurs que la précipitation de la phase préparatoire a en partie contrariés. Par exemple, l’accès à l’application permettant l’inscription a parfois posé quelques petits problèmes aux candidats dans les premiers jours. Ce qui a été à l’origine de grosses frayeurs. Heureusement que le savoir-faire et le talent des informaticiens du coin ont permis d’atténuer rapidement le hic.

Toutefois, le péril informatique est loin d’être la seule difficulté à laquelle se heurte cette initiative. Comme toujours, en pareil circonstance, des petits malins logés dans les interstices de l’administration ont trouvé là l’opportunité de faire du business. Des fonctionnaires véreux n’ont pas hésité à monnayer, contre espèces sonnantes et trébuchantes, les services pour lesquels l’Etat les rémunère. Çà et là, la délivrance normalement gracieuse de la carte d’identité, du certificat de nationalité, du casier judiciaire etc., ont coûté les yeux de la tête aux demandeurs. Certains ont déboursé, dit ont, la bagatelle de 100 000 à 300 000GNF pour posséder ces précieux sésame. L’arnaque a été si grosse que les autorités de la transition notamment le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme ont mettre le holà et réduire le nombre de documents requis.

En dépit de ces couacs, le Ministère du Travail et de la Fonction publique a déjà enregistré plus de 34 000 candidatures, alors qu’il n’est envisagé qu’une offre de 16 000 postes à pourvoir. Jugez-en le gap ! L’écart peut encore s’accroître, les inscriptions se poursuivant. Cet épisode est un indicateur du caractère massif du chômage des jeunes mais aussi des adultes dans notre bled, surtout que sous les tropiques, la ligne de démarcation entre ces catégories démographiques n’est pas souvent claire mais plutôt floue, sinueuse.

En tout état de cause, la lutte contre le chômage des jeunes est depuis longtemps une forte préoccupation des autorités guinéennes, même si le résultat demeure encore mitigé. Quoiqu’il puisse être considéré comme une bouffée d’air pour nos braves jeunes en quête d’emplois décents, ce recrutement est loin d’être une panacée dans cette lutte. L’expérience montre que sans un secteur privé dynamique et robuste, il est illusoire de croire que l’Etat peut mettre au travail une masse critique de jeunes.

Abraham Kayoko Doré