C’est ce qu’on appelle une année churchillienne : rien que de la sueur, rien que des larmes, rien que du sang ! Une véritable annus horribilis, pour parler comme la reine Elisabeth II qui a d’ailleurs préféré s’éclipser dès que l’horrible chose a pointé le bout de son nez. Non, 2023 n’est pas une année dont nous, nous souviendrons « avec un plaisir inaltéré ». En Ukraine, le conflit s’est enlisé, la guerre est devenue la norme dans une région que l’on croyait à l’abri depuis la célèbre bataille de Stalingrad. Quant au Moyen- Orient, il s’est de nouveau embrasé et les images insoutenables qui nous en viennent, ne présagent aucun espoir de paix dans le moyen terme.
Dans le monde-spectacle qu’est devenu le nôtre, ce sont les guerres, les matchs de football et les concerts de rock qui affolent l’audimat. Et dans ce trio, ce sont les guerres qui mènent. Loin devant les comédiens, ce sont les soldats, les vrais, qui crèvent l’écran. Les vedettes ne s’appellent plus Yul Brunner, Burt Lancaster, Humphrey Bogart ou John Wayne mais Poutine, Zelensky, Netanyahou et Haniyeh.
C’est si vrai que l’on peut parler de guerres de série A et de guerre de série B.
Il y a les guerres télégéniques, celles des riches, celles des beaux acteurs et il y a les autres, celles où les décors sont si miteux et les rôles si mal tenus qu’elles ne méritent même pas d’être citées. Les guerres oubliées de l’est du Congo par exemple qui n’attirent aucune caméra, ne suscitent aucune indignation alors que 8 millions de personnes y ont perdu la vie, ces dix dernières années.
Vous me direz que comme Ebola, la guerre est endémique, presque normale en Afrique. La preuve, si elle s’est éteinte dans le Tigré, elle s’est aussitôt rallumée au Soudan et on attend anxieusement le nombre de victimes que cette petite dernière va engendrer.
Quant aux coups d’Etat, cette autre endémie que l’on croyait éradiquée, les voilà de retour (deux rien que pour l’année écoulée !) sans trêve et sans complexe comme à l’époque d’Idi Amin Dada. Il est temps de se faire une raison : l’illusion démocratique née au début des années 90 est morte et bel et bien enterrée. Les Assimi Goïta, Mamadi Doumbouya, Ibrahima Traoré, Abdourahamane Tiani et autres fils Déby fils sont là pour longtemps et même si c’était possible, pour toujours.
Comme si les conflits et les déconvenues ne suffisaient pas, les folies de dame Nature sont venues s’ajouter à celles des hommes. L’année 2023 fut l’année par excellence du dérèglement climatique, entendez l’année la plus chaude de l’histoire de la planète !
Mais il n’y eut pas que des chaleurs, des crues et des tempêtes, il y eut aussi des tremblements de terre en Turquie, en Syrie, au Maroc et ce lundi 1er janvier au Japon comme si elle avait voulu nous laisser un petit pourboire avant de quitter la table.
En fouillant de fond en comble, on peut tout de même trouver deux ou trois bonnes nouvelles, de quoi nous rassurer « quant au riche avenir » de notre planète pour reprendre le beau titre du roman de Marie Ndiaye. L’armée malienne a repris la ville de Kidal. Ce n’est pas rien. Avec ou sans Wagner, c’est un début de reconquête ; au Libéria, la très honorable défaite de George Weah est une lueur d’espoir. Le seul ballon d’or africain est sorti du pouvoir, la tête haute, après une élection régulière. Thank You, sir George Weah !Nous préférons cette défaite-là à la victoire de Tshisekedi au Congo. 73% dès le premier tour, c’est suspect ; et à certains égards, digne de Bongo ou de Mobutu !
Bonne année, quand-même!
Tierno Monénembo
Source : Le Point