Jeudi 14 mars, deux personnes ont été tuées par balle en marge de manifs nocturnes contre les délestages à Cona-cris. Retour à la case départ.
C’est le retour dans les ténèbres en Guinée. Les Guinéens, privés d’électricité, passent un ramadan et un carême particuliers. Malgré les milliards engloutis dans l’énergie, le pays connaît une crise de courant sans précédent. Jeudi 14 mars dans la soirée, la capitale a sombré dans le noir avant d’être aussitôt éclairée par les lucioles de pneus cramés sur les différents axes routiers. Partout, excepté Kaloum, les jeunes grognards sont sortis exprimer leur ras-le-bol contre les coupures répétitives du courant électrique. De quoi perturber la prière surérogatoire dans les mosquées. Allahou Akbar !
Sur l’autoroute Fidel Castro (de Kissosso à Gbessia), la route Le Prince (de Sonfonia à Bellevue), de Foulamadinah à Taouyah (corniche nord), ainsi qu’à l’intérieur des quartiers, ils ont érigé des barricades, renversé des poubelles sur la chaussée pour exiger le retour de l’électricité dans les foyers. Ces manifestations, réprimées par les farces de sécu, ont fait deux morts par balle à Lambanyi et à Yimbaya.
La première victime est tombée aux environs de 21 heures. Cé Benoît Solomy, marchand et artiste en herbe, était sorti s’acheter à manger lorsqu’il a été fauché en pleine poitrine au Carrefour KPC. Le père de trois enfants est mort sur place, à 25 ans. Son ami, Antoine Pellemy, a narré les circonstances du décès. « Benoît était dans sa boutique. Au bord de la route, il a croisé un homme en uniforme qui lui a tiré dessus. Quand on est arrivé sur les lieux pour récupérer le corps, les jeunes ont exigé la présence du chef de quartier. Soudain, des gendarmes sont venus à bord de pickups. Ils ont dispersé la foule en tirant du gaz lacrymogène. Depuis, nous sommes en train de rechercher le corps. Nos parents sont allés à l’hôpital Ignace Deen vérifier. Je demande à l’État de nous aider à le retrouver. On nous a informé que c’était la Brigade anti-criminalité (BAC N°6) qui était là. »
Tranquillement assis dans la cabine de son camion avec ses amis, Mamadou Yéro Koulibaly a reçu une balle en plein visage. Transporté d’urgence à l’hôpital, il a rendu l’âme le lendemain 15 mars. Un des apprentis, Alghassimou Koulibaly, raconte : « Quand on a fini de travailler à 19h, nous sommes venus nous garer à la station de Yimbaya pour se reposer et passer la nuit. Quelques instants après, les jeunes ont commencé à manifester. Un agent des forces de sécurité nous a pris en joue, sans tirer. Le second est arrivé et a directement ouvert le feu. J’ai crié : ils ont touché le chauffeur ! On nous a chassés de là, le gardien de la station nous a enfermés dans son bureau. On a eu beaucoup de mal à envoyer le chauffeur à l’hôpital. Sur la route, les manifestants nous jetaient des cailloux. Il a beaucoup souffert. Ce matin, on apprend qu’il est décédé ».
À Kindia, le 11 et le 12 mars, lors des manifs contre les délestages, deux ados de 8 et 14 ans ont été tués et une douzaine d’autres blessés, parmi eux cinq agents des forces de désordre.
Dans un communiqué, la société EDG (Électricité de Guinée) dit avoir enregistré un déclenchement sur le système Kaleta-Souapiti suite à un incident sur un pylône de haute tension à Manéah. « La reconstitution de réseau électrique du système interconnecté de Conakry se poursuit et les quartiers seront progressivement alimentés. EDG s’excuse des désagréments. » Les manifestants ne l’ont pas entendu de cette oreille. Et Mamadi Doum-bouillant a dans la foulée renvoyé le DG d’EDG.
Abdoulaye Pellel Bah