La nomination d’un Premier ministre, ancien Ministre en charge de la Réconciliation nationale offre l’opportunité d’installer la question de la réconciliation nationale au cœur des préoccupations nationales, dans l’agenda, tant il est vrai que cet aspect est indispensable à toute œuvre durable en Guinée. Il faut d’emblée souligner que notre pays est aux prises avec un passif humanitaire lourd et en proie à des questions mémorielles prégnantes. Nous relèverons entre autres que le contexte de transition est bien favorable à l’amorce d’une démarche de réconciliation nationale et que des fortes actions en ce sens sont urgentes et nécessaires.
Contexte favorable
Il faut le rappeler que c’est bien dans un contexte d’un gouvernement de transition qu’un ministère en charge de la réconciliation nationale fut créé et confié à l’actuel chef de gouvernement, M. Amadou Oury BAH. Plusieurs actions furent posées dont la restitution des corps de personnes victimes de meurtres à Cosa à leurs familles pour des sépultures dignes, des corps qui ont longtemps séjournés dans les morgues en dépit des réclamations de leurs familles.
Ce contexte n’est pas sans rappeler celui actuel. Des actions fortes allant dans le sens de la réconciliation nationale, en se fondant sur cette expérience du passé en contexte de transition, est de nature à amorcer non seulement une décrispation socio-politique et à un climat apaisé mais aussi à solder le lourd passif humanitaire qui continue à troubler notre mémoire collectif. L’expérience du locateur du Palais de la Colombe en ce domaine peut être un atout de taille.
Actions urgentes
Le chantier de la réconciliation nationale est certes vaste et requiert temps et moyens mais il est essentiel de poser des actions fortes dans un court terme pour l’inscrire dans l’agenda des priorités nationales. Point n’est besoin de réinventer la roue. Une analyse des rapports, des études et des expériences antérieures (les normes de restitution de 1985, les actions du gouvernement de transition sous le PM Kouyaté, le rapport de la Commission provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale, le rapport des Assises nationales, les initiatives diverses des ONGs, …) permettra d’identifier quelques actions prioritaires en ce sens. Il peut s’agir entres autres de continuer l’adressage mémoriel équitable (dates historiques et personnalités), la restitution ou la compensation des biens spoliés, l’adoption d’une loi mémorielle, … Après l’amorce de ces actions urgentes, il faudra entamer la mise en place d’un Comité Vérité Justice Réconciliation Nationale pour d’autres actes plus significatifs et approfondis. Une telle œuvre doit aller de pair avec l’amélioration de la protection des droits de l’homme en Guinée.
Pour terminer, ce 02 avril 2024, secoué dans ses fondements, il y a quelques semaines à peine, le Sénégal a offert au monde la beauté d’une ambiance festive de transmission démocratique de pouvoir ; cette atmosphère a réjoui plus d’un guinéen. Cet exploit sénégalais est le fruit d’inlassables actes de construction nationale entamée depuis l’indépendance, en dépit des soubresauts qui l’ont traversé (Affaire Mamadou Dia, Evènements de 1968 et autres). Il n’est pas pourtant pas impossible de réaliser un tel « miracle » en Guinée à la seule condition d’aboutir à une véritable réconciliation nationale et à un consensus sur nos institutions, gage du développement du pays.
En somme, il est loisible de dire que l’un des défis auquel le nouveau gouvernement est attendu figure le vaste chantier de la réconciliation nationale dont l’amorce, au-delà des actions symboliques habituelles, peut ancrer la transition dans le sens du vivre en commun, tant voulu par le peuple de Guinée dans son ensemble.
Conakry, le 04 avril 2024
–Juris Guineensis No 60
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D
Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour