Située au quartier Almamyah, dans la commune de Kaloum, la gare centrale de Conakry, construite sous l’administration coloniale française, se meurt à petit feu. Dans l’indifférence du ministère des Transports et de la Direction nationale des chemins de fer de Guinée.
D’une ossature métallique impressionnante, unique dans la sous-région, selon les techniciens du secteur, cette gare est composée de plusieurs ateliers : le dépôt d’entretien partiel des locomotives et wagons, l’atelier central pour les grandes réparations, où stationnent actuellement deux locomotives de marque française (Alstom) en mauvais état. L’atelier qui servait à la réfection des sièges des locomotives et des wagons s’appelait la bourrellerie. Cet important atelier est transformé aujourd’hui en église.
A ceux-ci s’ajoutent les importants ateliers de réparation de tout ce qui est du matériel roulant (MR), d’entretien des wagons. Quant à l’entretien de la mécanique générale, il s’occupait de la réfection des pièces mécaniques. Le grand magasin d’approvisionnements généraux constitue la partie vitale du chemin de fer. On y retrouve toutes les pièces de rechange des locomotives et des wagons, ainsi que d’autres accessoires liés au chemin de fer.
Malheureusement, ces importants ateliers, uniques en leur genre, sont transformés en de hangars de petits commerces, dans l’indifférence générale. Pourtant, de l’avis de Mori Diawara, spécialiste des chemins de fer, la conception, la réalisation et le contenu de tels ateliers s’évaluent en milliards de dollars ricains.
Dans l’arrière-pays, particulièrement à Kindia, Mamou et Kankan, il y avait des dépôts et ateliers. Le chemin de fer a, à un moment donné, servi de moyen pour le transport des hydrocarbures dans les dépôts des deux dernières villes, en toute sécurité, au compte de l’Office national des hydrocarbures.
Une aventure ferroviaire
Longue de 662 km de Conakry à Kankan, la voie ferrée autrefois appelée « Conakry-Niger » a été initiée en 1898 par l’administration coloniale française. Elle arriva dans la région de la savane (Kankan) le 14 septembre 1914. Quatorze ans de travaux forcés durant lesquels la Guinée aura payé un lourd tribut humain, pour la construction de la voie. On estime à plus de 620 morts, un nombre incalculable de blessés et d’handicapés à vie le long du tracé.
L’administration coloniale avait très tôt compris la nécessité de la construction du chemin de fer, pour l’écoulement des produits agricoles et miniers de l’intérieur des colonies vers les côtes de l’AOF (Afrique occidentale française). Les travaux de construction des premiers 150 km entre Conakry et Kindia avaient débuté le 7 janvier 1900. Le 27 janvier 1908 a été inaugurée la seconde section de la gare de Mamou, par M. Poulet. Le 14 septembre 1910, la gare de Kouroussa (troisième section) était opérationnelle. Et le 14 septembre 1914, le chemin de fer arrive enfin à Kankan.
Démantèlement du « Conakry–Niger »
L’année 1995 marque l’arrêt définitif de l’exploitation de la voie ferrée « Conakry-Niger », suivie de sa disparition totale en 2006. La synthèse du rapport d’audit opérationnel du chemin de fer « Conakry-Niger) de mars 2010 fait état d’un long processus ayant abouti au démantèlement des rails, travers, boulons, éclisses… ainsi que certains ponts et leur exportation, suite à la prise du décret D/96/136 du 23 octobre 1996, portant « libéralisation de la commercialisation de la ferraille composite. »
Rappelons que le tout dernier train a quitté Kankan le 2 mai 1995, avec cinq wagons transportant des grains de coton, à destination de Conakry. A l’époque, le « Conakry-Niger » était géré par la Régie des chemins de fer de l’AOF. C’est en 1995 que l’ordonnance numéro 32 du 2 juin 1959 a créé l’Office national des chemins de fer de Guinée (ONCFG).
Le démantèlement de la voie ferrée en 2006 a emporté tout un pan de l’histoire de la Guinée. C’est un patrimoine culturel, historique et humain qui a disparu ; la colonne vertébrale économique du pays qui s’est brisée.
Bah Mamadou