Les Etats africains et leurs partenaires du Nord organisent depuis des décades, des sommets pour débattre de la problématique du développement. Ce genre de cénacles a été longtemps l’apanage de la France et ses ex-colonies. Le plus célèbre, celui de la Baule, a tenté d’imposer aux partenaires africains, la démocratie comme modèle de gouvernance. Hélas ! Ces sommets regroupant, autour d’un président (américain, européen, asiatique) « at home », des dizaines de chefs d’Etat africains se font légion et réguliers. Ils visent, dit-on, à renforcer la coopération tous azimuts entre le pays organisateur et ses hôtes africains.
La Corée du Sud vient de s’offrir le sien les 4 et 5 juin 2024, à Séoul pour, naturellement, renforcer ses liens politiques, économiques et culturels avec un continent à (1,4 milliards de têtes, d’un marché de taille et un PIB global de 3 400 milliards de dollars), n’entretenant pas de relations avec « le Pays du matin tranquille ». Il s’agit donc d’insuffler du dynamisme à la coopération entre un continent aux immenses potentialités notamment minières et un champion de la technologie. De belles perspectives pour les participants.
A l’ouverture du somment, présentes : 48 délégations africaines sur 54 invitées, le Président sud-coréen, Yoon Suk Yeol, a annoncé que son pays est prêt à injecter en Afrique plusieurs milliards de dollars. Mais, il ne faut pas se leurrer et crier tôt victoire. Il y a loin de la coupe aux lèvres. Les sommets Amérique–Afrique, France – Afrique, Russie- Afrique, Turquie–Afrique, Chine–Afrique, etc. n’ont pas encore éliminé ni la pauvreté en Afrique encore moins les inégalités entre les peuples. Le format même de ces sommets et leur animation laissent perplexe, dubitatif plus d’un observateur. La quasi-totalité des Etats de tout un continent (l’Afrique), se mobilisent autour du chef d’Etat d’un pays d’un autre continent au motif de renforcer la coopération bilatérale et multidimensionnelle entre Etats parties ! Le déplacement massif des dirigeants africains chez l’autre qu’il soit américain, européen ou asiatique, témoigne déjà d’un rapport de force déséquilibrée défavorable aux représentants de l’Afrique qui ne peuvent alors que difficilement toiser leur hôte et lui arracher, comme ils prétendent, un partenariat gagnant-gagnant. « La main qui donne est toujours au-dessus de celle qui reçoit », dit-on avec beaucoup de sagacité, de sagesse.
Force est d’admettre cette réalité, même si on ne s’exprime pas avec la même délicatesse et le verbe revêche, le capitaine Ibrahim Traoré du Burkina Faso a accusé, lors du sommet Russe-Afrique, ses prédécesseurs et aînés, d’avoir tout le temps tendu la sébile aux grands de ce monde, en quête du mieux-être de leurs populations. Propos retoqués par un Macky Sall aux affaires, avec promptitude et vigueur. Il faut laisser à la jeunesse son impétuosité, sa hargne, son goût du coup de Jarnac. On peut apporter quelque correction élégante à ces sommets en les élaguant des aspects ubuesques qui n’honorent pas nos Almamys, Sultans et autres Rois des terres équatoriales. Par exemple, les nôtres pourraient s’accorder pour désigner parmi eux, l’hôte de chaque sommet. Ils le mandateraient d’organiser en synergie avec le pays industrialisé, désireux de redynamiser sa coopération avec l’Afrique, les travaux du sommet, qui se tiendrait alors, bien entendu, dans le pays mandataire. Une solution autrement simple et accommodante serait d’organiser ce genre de sommet au siège de l’Union Africaine à Addis-Abeba, avec la participation des instances communautaires et du pays qui souhaite renforcer sa coopération avec l’Afrique. Cela amoindrirait la connotation impérialiste que véhiculent ces sommets pourtant utiles à l’émergence et développement durable des Etats africains. Il convient donc d’identifier et d’explorer les pistes menant à plus d’efficacité de tels sommets.
Abraham K. Doré