A l’occasion de son 4e cycle d’Examen périodique universel (EPU) devant le conseil des droits de l’homme à Genève, le 29 avril, le Garde des Shows Yaya Kaïraba avait la lourde charge de défendre le bilan de son bled. Trois jours plus tard, la Guinée perdait une vingtaine de points en matière de liberté de la presse, dans le dernier rapport de Reporters sans frontières.
C’est une semaine difficile qui s’achève pour le goubernement guinéen, assommé de toutes parts. D’un côté des disparitions, emprisonnements et exils forcés, interdictions de manifs hostiles…De l’autre, des médias bâillonnés. « Oui, nous avons des problèmes de violation des droits de l’homme à l’instar d’ailleurs de tous les autres pays. Ne pas le reconnaître ce serait rajouter à la violence, la souffrance et l’injustice », a admis le ministre de la Justice et des droits de l’homme, dans son laïus prononcé le 29 avril devant le conseil des droits de l’homme à Genève. Yaya Kaïraba Kaba s’est aussi dit conscient qu’une « société sans la garantie et le respect des droits de l’homme pour tous et pour chacun est une société sans avenir. »
Dans son discours, il s’est toutefois contenté d’égrener les acquis dont certains sont plutôt à mettre au crédit du précédent régime d’Alpha Grimpeur. Le rapport national de 22 pages présenté par la Guinée indexe la Loi L/2020/0027/AN du 19 Décembre 2020, portant droit d’accès à l’information Publique ; Loi N° 2021/0016/AN du 30 avril 2021, portant protection et promotion des droits des personnes atteintes d’albinisme et Loi L/2021/0018/AN/ du 7 mai 2021, portant organisation, promotion et contrôle des activités physiques en République de Guinée.
Revenant sur le troisième mandat d’Alpha Grimpeur, le Garde des Shows décrit une situation « préoccupante et anxiogène » ayant amené les Guinéens à adhérer « massivement » au putsch du 5 septembre 2021. A l’actif de la transition de l’ère Mamadi Doum-bouillant, le rapport dont la rédaction a impliqué certaines organisations de défense des droits humains guinéennes, nous apprend-on, mentionne comme avancée en matière des droits humains, entre autres : La Charte de la Transition du 27 septembre 2021 ; Loi L/2022/012/CNT du 23 septembre 2022, portant Aide juridictionnelle ; Loi L/2022/013/CNT du 23 septembre 2022 fixant les règles de protection des victimes, des témoins et des autres personnes en situation de risque en Guinée ; Loi L/2023/0019/CNT du 25 octobre 2023, portant sur l’identification des personnes physiques ; Loi L/2023/0020 du 25 octobre 2023, portant État civil en République de Guinée ; Loi ordinaire L/2023/0013/CNT du 26 avril 2024, portant lutte contre la traite des personnes et des pratiques assimilées en république de Guinée ; Décret D/2022/0553/PRG/CNRD/SGG du 24 novembre 2022, portant vulgarisation des textes de lois sur les droits de l’homme en lien avec les violences basées sur le genre dans les grilles de programme des médias publics et privés.
Yaya Kaïraba Kaba s’est targué de la lutte contre la corruption par la création de la Crief, de la lutte contre l’impunité avec la tenue du procès sur le massacre de 2009. Même que les 119 milliards 9 00 millions de francs du montant total d’indemnisation des victimes seraient en voie de mobilisation. Il note même une tendance à la « réduction voire à la disparition » de la torture dans les maisons d’arrêt, ainsi que plus de 6000 places conformes aux normes aménagées à travers la reconstruction et l’extension de l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie, la prison de Coyah et celle moderne en cours à Yorokoguia (Dubréka).
Problématique complexe
Il s’est également félicité que la Guinée s’achemine vers des élections libres et transparentes, qui seront couvertes par les observateurs nationaux et internationaux, médias publics et privés. Selon nos informations, le Garde des Shows aurait même exhibé le projet de nouvelle constitution, encore méconnu des Guinéens.
Yaya Kaïraba Kaba savait qu’il ne pouvait pas que tresser des lauriers aux autorités guinéennes. « Les droits de l’homme sont dynamiques, nuance-t-il. L’évidence des défis dans tous les pays y compris le mien n’est pas à discuter. La complexité de la problématique au regard de la fragilité des institutions publiques, de l’ambiguïté des jeux politiques et des résistances socioculturelles n’est plus à démontrer. Il n’empêche cet horizon moralement, politiquement et socialement s’impose à nous en tant que gouvernants. Cette bataille nous la mènerons en toute responsabilité avec détermination et ténacité, car il en faut dans notre contexte structurel et conjoncturel ».
Et le Garde des Shows de renchérir : « Les droits de l’homme sont la condition absolue de la paix et de la justice, sans lesquelles aucune expérience démocratique ne sera possible pour notre pays et notre peuple. Nous ne sommes pas adeptes du déni de réalité, car pour nous le combat pour l’efficacité des droits de l’homme est avant tout un combat pour la dignité humaine, la liberté et la justice en faveur du citoyen guinéen et de chaque personne vivant en Guinée. »
Aussitôt qu’il a fini de tout peindre en blanc que le ministre de la Justice a été interpellé sur les sujets tabous, dont les disparitions forcées, liberté de la presse, l’opacité des contrats miniers…S’il a justifié la fermeture des médias privés critiques pour des raisons de sécurité, « sur les disparitions par exemple, sur l’avancée des enquêtes, le ministre n’a donné aucune réponse. Pas un seul mot alors qu’il y a eu beaucoup de questions sur le sujet », s’étonne Thierno Yala Show, dirlo exécutif d’Amnesty international Guinée. « Cela nous inquiète énormément. L’État guinéen qui a annoncé l’ouverture des enquêtes et que le ministre n’en dise même pas un seul mot, c’était assez marquant ! »
La dégringolade
Des recommandations ont également été faites à la Guinée, entre autres : la levée de l’interdiction des manifestations ; la restitution des licences des radios et TV fermées ; la protection des défenseurs des droits humains et des journalistes ; la ratification de conventions et protocoles additionnels notamment contre les disparitions forcées et de la peine de mort…
« Je vous dis ici solennellement et en toute responsabilité que la dynamique pour mettre fin à ces réalités insupportables est lancée et ce de façon irréversible, rassure le Garde des Shows. La prise de conscience et la détermination tant sur le plan social que politique sont visibles, afin de faire de notre pays une société respectueuse des droits et libertés. C’est pourquoi nous acceptons d’emblée tous les partenariats furent-ils objectivement critiques pourvu qu’ils soient formulés dans une perspective d’améliorer de la protection et de la promotion des droits de l’homme dans notre pays. […] Car quelle que soit la volonté et la détermination, sans moyens, appui et expertise suffisants, la tâche déjà difficile sera encore plus périlleuse. »
Dans un rapport publié la veille de la célébration de la Journée mondiale sur la liberté de la presse du 3 mai, Reporters sans frontières a posé le diagnostic mondial sur l’état de la liberté des médias. En un an, la Guinée perd 25 points et passe de la 78e place (2024) à la 103e (2025). RSF motive la dégringolade : « Le régime de transition, installé depuis le coup d’État de septembre 2021, n’a pas tenu ses promesses de garantir la liberté de la presse en Guinée. L’année 2024 a consolidé un tournant dans la répression de la presse privée, avec notamment la censure de médias critiques et l’enlèvement d’un journaliste toujours porté disparu. »
Diawo Labboyah