Ce lundi 19 mai à Conakry, s’est ouvert le Forum sur l’avenir de la presse en Guinée. Une initiative de la Haute Autorité de la Communication (HAC). Pendant 3 jours, près de 100 participants venus des milieux sociopolitique, juridique, médiatique et socioprofessionnel vont plancher sur l’avenir de la presse guinéenne face aux mutations en cours.
L’événement s’est tenu en présence d’éminentes figures institutionnelles. Il s’agit du Premier ministre, Amadou Oury Bah, représentant le chef de l’État, le président du Conseil national de la transition CNT, Dansa Kourouma, le Président de la Cour suprême, Fodé Bangoura, le chef d’État-major de l’armée de terre, général Abdoulaye Keita, la porte-parole du CNRD, Générale Aminata Diallo, des ministres de la Sécurité, Bachir Diallo, ceux de l’Information et des Télécommunications, respectivement Fana Soumah et Rose Pola Pricemou. Il y avait aussi les représentants des associations de presse et d’institutions internationales accréditées en Guinée.
«La renaissance de la presse est la condition de sa survie ». C’est l’une des annonces phares du président de la Haute Autorité de la Communication, Boubacar Yacine Diallo, devant ses homologues venus de la Côte d’Ivoire, du Mali, du Sénégal, mais aussi du Maroc. Dans son discours d’ouverture, le président de la HAC a fustigé l’infiltration de la profession par des non-professionnels. La « profession a été infiltrée, n’ayons pas peur des mots, par des individus à la recherche du gain facile, parfois dans la malhonnêteté. Et je suis au regret de faire ce constat devant les journalistes qui sont en face de moi et que je respecte. Je voudrais donc m’adresser à vous, journalistes professionnels, de sortir ces individus malveillants venus intégrer la corruption dans nos rangs, alors qu’ils prétendent dénoncer cette corruption. Ce sont les premiers corrompus », a-t-il souligné.

« Un journaliste mal rémunéré est un journaliste exposé »
Boubacar Yacine Diallo a aussi insisté sur la nécessité de créer un organe d’autorégulation crédible, dirigé par des journalistes irréprochables et sur l’urgence de faire adopter une Convention collective des journalistes. « Pendant trois jours, nous allons réfléchir sur la Convention collective, parce qu’un journaliste mal rémunéré est un journaliste exposé. Si les journalistes et le syndicat parviennent à un texte consensuel, pour donc faire la Convention collective, je suis convaincu que les journalistes seront à l’abri. Et en même temps, il faudra créer l’organe d’autorégulation pour que le tribunal des pairs s’exerce librement. Il ne s’agit pas simplement de créer cet organe d’autorégulation, il faut mettre à sa tête des journalistes irréprochables dans lesquels tous les journalistes se reconnaîtront et reconnaîtront le jugement des pairs », a-t-il affirmé, espérant également que des réponses seront données à la disparition inquiétante, selon lui, inquiétante du journaliste Habib Marouane Camara.
Invité d’honneur au forum, René Bourgoin, président de la Haute Autorité de la Communication audiovisuelle de la Côte d’Ivoire, a inscrit le débat dans le contexte plus large d’une crise profonde des médias. « La presse est confrontée à une désinformation galopante. Tous les secteurs d’activité font l’objet d’une digitalisation effrénée et la presse écrite et audiovisuelle n’échappe pas à cette effervescence. La presse écrite reste visiblement le secteur le plus touché par cette révolution numérique qui impacte gravement toute la chaîne de production jusqu’au consommateur. Le nombre de tirages, d’exemplaires vendus, de lecteurs et même de journalistes reconnaît une baisse continue », a-t-il indiqué.
M. Bourgoin a rappelé que l’indépendance financière est « une condition vitale pour une presse libre et crédible ».
« Opportunité historique »
Le président du CNT (Conseil National de la Transition), Dansa Kourouma, a salué la tenue du forum comme « une opportunité historique », pour restaurer la mission du journalisme. Il a tenté de dédouaner les autorités sur les atteintes à la liberté de la presse marqué par la fermeture de certains médias privés. « Ces dernières années, il faut le reconnaître avec lucidité, des dérives préoccupantes ont été observées dans l’espace médiatique. Certaines pratiques contre l’éthique et la déontologie ont mis en mal la crédibilité d’un des métiers les plus nobles. Le recours à la diffamation, à l’instrumentalisation communautaire ou encore à la désinformation ont semé parfois les germes de la division. Face à cela, l’État a été contraint d’intervenir dans l’intérêt supérieur de la nation, pour préserver l’ordre public et la paix sociale. Mais cette tendance ne saurait être une tare incurable, ce forum en est la preuve », a affirmé Dansa Kourouma.

Par ailleurs, le président du CNT a réitéré son soutien à toute réforme juridique pertinente proposée par la HAC. Il a promis l’engagement du CNT à travers la vulgarisation de la future Constitution dans tout le pays, en collaboration avec les médias.

Enfin, le Premier ministre, Amadou Oury Bah, a affirmé que la presse est essentielle à la démocratie même si… « L’intérêt du pouvoir, c’est d’avoir des contre-pouvoirs efficaces. Parce que, c’est cela qui permet au pouvoir de ne pas aller dans les dérives. Mais si les contre-pouvoirs sont inefficaces, le pouvoir même ressentira cette inefficacité par le fait que son action n’est pas jugée avec objectivité pour lui permettre d’apprécier, si on va dans la bonne direction ou pas ». Selon lui, l’organisation de ce forum est comme un signal fort « d’une volonté collective de refonder la presse guinéenne sur des bases solides, éthiques et professionnelles ».

La cérémonie d’ouverture a été marquée par la remise symbolique de la carte professionnelle de presse 2025-2027. L’honneur est revenu à Diallo Souleymane, Fondateur et Administrateur général du Groupe de presse Lynx-Lance, de recevoir, le premier, la carte professionnelle de presse.
Mariama Dalanda Bah