Simandou ! Ce nom qui caracole dans nos conversations depuis des lustres, une mélodie lancinante dont le refrain est invariablement : « C’est pour bientôt ! » Mais ce « bientôt » a la fâcheuse manie de se transformer en un lointain mirage, plus insaisissable que le courant à Kaloum. À fakoudou ! On nous dresse des tableaux idylliques : des montagnes de fer transformées en montagnes de milliards, des cohortes d’emplois plus nombreuses que les taxis à Hamdallaye, des voies ferrées traversant nos contrées comme des spaghettis géants. Simandou, notre ticket gagnant à la loterie du développement ! Sauf que le tirage n’a jamais lieu, et le ticket jaunit dans nos poches.
Les autorités, imperturbables, nous serinent que « ça avance », que les pelleteuses font la sieste sous le soleil de Beyla en attendant le coup d’envoi. Les infrastructures promises ? Des châteaux de sable balayés par les vents des promesses non tenues. Les emplois ? Des licornes guinéennes, magnifiques dans les contes, invisibles dans la savane. Et la transparence, wallahi, une espèce en voie de disparition, plus rare que les pangolins albinos. Les détails de Simandou ? Classés « top secret », consultables uniquement par les oiseaux migrateurs. Simandou, c’est notre plat national imaginaire, celui qu’on décrit avec passion mais qu’on ne sert jamais à table. Alors, on continue de saliver d’espoir, cet ingrédient magique qui nous fait tenir debout, même quand nos genoux flageolent.
Le recensement ! Hé Kéla, cette comédie humaine qui revient à chaque précampagne électorale ! Cette année, le scénario est digne de Feydeau : on doit recenser les vivants, les morts, et probablement les esprits frappeurs qui squattent nos maisons sans payer de loyer. On menace les défunts de les déboulonner de leurs tombes s’ils ne se font pas enregistrer ! Pendant ce temps, les vivants font la queue sous un soleil à décorner les zébus, distribuant des « primes de motivation » aux agents pour obtenir un simple papier qui atteste de leur existence. Wallahi, en Guinée, même être fantôme a ses avantages administratifs !
L’insécurité, mes amis, une véritable « rumba » endiablée avec notre quotidien. Les braqueurs opèrent en plein jour, avec le culot de ceux qui ont un laissez-passer du soleil. 21 milliards évaporés ! Des magiciens de la finance souterraine, ces bandits ! À fakoudou !
Les avis de recherche de nos jeunes filles ? Ils tapissent nos fils d’actualité plus vite que les publicités pour les crédits faciles. Chaque jour, un nouveau visage, un nouveau déchirement, une douleur lancinante. Les parents pleurent, les réseaux s’indignent… et puis ? Hé Kéla, où s’arrêtera cette tragédie ?
Les mouvements de soutien au « Guide Suprême » ? Une épidémie bénigne, mais ô combien pittoresque ! Du jour au lendemain, des « penseurs autoproclamés » se parent de t-shirts à l’effigie du susnommé, oubliant leurs diatribes d’hier comme on oublie de fermer le robinet qui fuit. On chen fout ? Peut-être. Mais le spectacle de ces conversions express vaut son pesant de cacahuètes grillées. À fakoudou ! Le gars avec ses trois cousins et ses deux chèvres qui voulait lancer son propre mouvement de soutien ? Un génie incompris ! Wallahi, il a eu le mérite de nous faire rire, même si les gorilles du ministère n’ont pas partagé notre hilarité. À fakoudou !
L’or de notre sous-sol ? Il prend la poudre d’escampette avec une discrétion de ninja. Pendant ce temps, le peuple se contente de l’or de ses dents, quand il en a, pour acheter un sachet d’eau. Hé Kéla, notre richesse a-t-elle pris des vacances prolongées à l’étranger ?
Nos quartiers sans bitume, nos écoles sans toit, nos dispensaires sans médicaments ? Wallahi, on se croirait dans un film en noir et blanc.
Même nos feux de circulation font la grève avec zèle. À Conakry, c’est « chacun pour soi et Dieu pour tous » sur le bitume. Les piétons ? Des funambules téméraires. Bienvenue au « Conakry Fast and Furious », édition locale !
Et l’histoire de Sékou Touré et de l’auto-stoppeur ? Une fable intemporelle ! Une piqûre de rappel qu’en Guinée, la prudence verbale est une vertu cardinale. À fakoudou !
Alors voilà, mes amis, notre Guinée : un melting-pot d’espoirs déçus et d’humour salvateur. On avance, avec la démarche chaloupée de ceux qui ont l’habitude des terrains glissants. Que notre rire soit notre plus belle arme ! Amen !
Sambégou Diallo
Billet
Chanson d’une bourse trouée
On vide les poches
On allège les bourses
On compte les étoiles
On soupèse le vide
On rêve de gains
On serre les ceintures
On mendie l’espoir
Les caisses sont sèches
Les dettes s’alourdissent
Les coupes… débordent de misère.
SD