La Tabaski, fête musulmane majeure célébrée cette année entre vendredi et samedi selon les pays, réunit familles et communautés. Entre marchés animés, acheteurs prudents et festins préparés avec soin, les fidèles s’organisent pour ce moment fort de l’année en Afrique de l’Ouest qui mêle spiritualité, générosité et convivialité.
Au Sénégal, certains fidèles s’y sont pris à l’avance, il y a plusieurs semaines parfois, pour trouver leur mouton, mais comme pour tout : il y a les acheteurs de dernière minute qui espèrent trouver une belle bête et pour pas cher. À côté du rond-point de Ngor à Dakar, sous une tente, une vingtaine de moutons tout juste lavé attend encore d’être achetée, décrit notre correspondant à Dakar, Gwendal Lavina. À la manœuvre, Moussa Gueye qui avait une soixantaine de bêtes à vendre. Il assure que les clients ont fait plus attention au prix que les autres années et demandé des moutons plus petits : « ça bouge pas trop comme avant. C’est un problème d’argent peut-être comme le monde est un peu paralysé. Les moutons de 300 000 ou 500 000 [francs CFA] il y en a beaucoup sur le marché, tandis que les petits moutons de 150 000 ou 250 000 sont achetés. On essaie de négocier avec les clients donc on espère vendre toutes les bêtes. »
Mais les acheteurs se font rares… Ce client a été prudent et vient récupérer un mouton acheté la semaine dernière : « Les achats de dernière minute, ça peut être bien parce que quand ils n’ont pas vendu leurs moutons, ils baissent les prix forcément. Mais, j’ai préféré m’y prendre à l’avance, comme ça, c’était fait. »
Rencontré sur un terrain vague transformé en bergerie, cet homme a joué la montre et ne le regrette pas : « ça se passe tout le temps comme ça. Parce qu’au dernier moment, tu as l’occasion d’avoir un bon mouton à bas prix. Là, il me l’a offert à un très très bon prix. Les enfants et madame vont être contents et on va manger de la bonne viande. » Pendant que le mouton est hissé dans sa voiture, il accepte de nous donner ses astuces : « Il faut dialoguer, être souple et gentil. Il faut être convaincant. Et puis voilà, ça marche à tous les coups. »
La fête à Abidjan
En Côte d’Ivoire, la prière s’achève dans le quartier populaire de Koumassi-Remblais à Abidjan. Abou Koné rejoint sa cabane, en face de la mosquée – tout autour les carcasses de moutons sont immolées – c’est l’heure du repas de Tabaski, rapporte notre correspondant à Abidjan, Benoît Almeras. « On découpe les moutons, tout le monde va bien manger. C’est important d’être en famille parce que tout va bien profiter pour bien manger. On partage. »
Koné est berger, il s’est offert une bête cette année – minimum 100 000 francs CFA – mais c’est aussi l’occasion d’être généreux. Awa, sa fille, a préparé deux marmites de riz et de pommes de terre : « On est dessus depuis hier 23h, on est dessus. On est beaucoup. » Pour le fils Adama, Tabaski c’est aussi s’enjailler : « Les sœurs et les frères sont là, tout le monde est content. On va voir des gens et faire la fête le soir et mettre la musique pour s’amuser jusqu’au petit matin. » Environ 350 000 moutons vont être sacrifiés en Côte d’Ivoire pour cette Tabaski.
Les tenues traditionnelles près de Conakry
En Guinée, ces derniers jours, les bœufs et les moutons ont envahi les marchés de Conakry, et les voitures ont envahi les routes. Beaucoup d’habitants de la capitale ont rejoint le village pour la fête. Mais pas tous, comme cette famille rencontrée par notre correspondant à Sangoyah, en banlieue de Conakry, Tangi Bihan.
Chez Oudeya et Oumar, les femmes préparent déjà les repas de la Tabaski : du bœuf et du mouton. Les enfants commencent cette journée par aller prier à la mosquée, en tenue traditionnelle confectionnée pour l’occasion, explique Oudeya : « Ça, c’est la tenue africaine. On appelle ça en soussou guinédougui. On achète les pagnes au marché, on envoie chez le tailleur, on prend la mesure des enfants, après, on coud. Il y a plusieurs couleurs, la couleur que j’ai déjà payée, c’est la couleur verte, en bazin, pour les enfants. »
Oumar a acheté un mouton pour le partager avec le voisinage, peu importe le coût : « J’ai un gros mouton, mouton du Mali, très costaud, malgré que le prix soit élevé. C’est la religion ici, c’est très important. Tabaski ça nous dit beaucoup de choses, c’est très important d’avoir un gros mouton. » Après manger, les enfants iront souhaiter bonne fête à leur famille. Oudeya : « Les enfants sortent pour se balader, on dit salmafo : saluer les parents, les tantes, les mamans, les grands-mamans, les grands-pères, les oncles, ça, c’est la soirée. Salmafo. » Oudeya et Oumar iront peut-être fêter Tabaski au village, eux aussi, l’an prochain.
Par RFI