Le 18 juin 2025 aura lieu à l’Académie des Sciences de Paris la remise officielle du Prix Mérieux 2025, décerné cette année aux deux chercheurs guinéens, Pr. Abdoulaye Touré et Pr. Alpha Kabinet Keita en récompense à leur article sur les « Zoonoses émergentes ». Cette première pour la Guinée et, peut-être même pour toute l’Afrique subsaharienne, mérite d’être mise en exergue. Nos deux chercheurs quadragénaires prouvent aux Guinéens que la recherche scientifique est un moyen sûr de réussite dans un pays où l’ascenseur semble être la politique. Mais qui sont ces deux chercheurs qui ont mis en place un Centre de Recherche dénommé CERFIG dont la notoriété ne cesse de grandir et que peut-on retenir de leur parcours ? D’autres personnes mieux avisées ont déjà fait un petit panorama du parcours académique et professionnel de nos valeureux récipiendaires. Le présent témoignage, qui est celui du Directeur de l’entreprise ayant construit le siège de CERFIG, sera bref et axé sur le côté managérial et humain de notre binôme gagnant hors pair.

Tout commence en juillet 2016, lorsque notre entreprise (alors en pleine activité de construction du Centre de santé Communautaire de Enta Nord, actuel Hôpital Régional de Enta Nord, a été présélectionnée pour participer à l’appel d’offres restreint du Projet POST-EBOGUI pour la Construction d’un Centre de Prise en Charge, de Recherche Clinique et de Formation sur les Maladies Infectieuses Emergentes et Re-Emergentes (Guinée-Conakry). Suite à ce processus, notre entreprise fut retenue pour l’exécution des travaux ; la notification et la contractualisation furent accélérées par la promptitude de l’équipe dirigeante de ce qui était alors Projet Post Ebogui, financé par la Coopération Française avec l’IRD (Institut pour la Recherche et le Développement) comme chef de file et dont le siège était à Coléah Lanséboundji, non loin de la DATUVI. A la même période, la Coopération Française avait financé la Construction de l’Institut Pasteur de Guinée et c’est bien naturellement que le Président Alpha Condé et le Ministre Français des Affaires Etrangères, Jean Marc Ayrault, poseront la première pierre des deux projets le 11 novembre 2016.

De tous les discours prononcés ce jour, celui de Pr Eric DELAPORTE, chef de projet pour le compte de l’IRD et chercheur à l’Université de Montpellier (encadreur de 2 lauréats), retiendra notre attention notamment le passage où il dira en substance: « Dans le domaine de la coopération scientifique, les Etats africains doivent mettre l’accent sur la formation des chercheurs pour que ceux-ci puissent piloter toutes les investigations autour des prochains cas d’épidémie. La Guinée a la chance d’avoir les Docteurs Abdoulaye TOURE et Alpha Kabinet KEITA qui vont piloter ce projet et en qui nous faisons entièrement confiance. Nous sommes sûrs que leur apport sera déterminant dans les débats scientifiques futurs sur les épidémies comme Ebola ». Cela sonne aujourd’hui comme une prémonition.  Pour le bien de notre pays, la phase post épidémie Ebola était en train de transporter en territoire guinéen le duel entre l’IRD et l’Institut Pasteur dans le domaine de la recherche en santé, comme pour donner raison au Président de l’époque qui disait que l’épidémie était « une chance » pour le pays.

Dans cette bataille à la David contre Goliath, le projet POSTEBOGUI de l’IRD ne semblait pas faire le poids devant l’Institut Pasteur mais c’était sans compter sur la dextérité de l’équipe managériale dudit projet. Avec un rapport de 1/10 en termes de financement en sa défaveur, le projet POSTEBOGUI réussira à finir ses travaux en premier le 11 novembre 2017 et l’inauguration officielle a eu lieu le 19 avril 2019.

Autre prouesse de notre duo, c’est d’avoir réussi le pari de créer une institution de Recherche à la suite de ce qui n’était qu’un projet circonscrit dans le temps, donc appelé à disparaître. Nos deux managers ont revu leur modèle économique pour transformer ce qui était Projet POSTEBOGUI en un Centre de Recherche et de Formation en Infectiologie de Guinée (CERFIG). Avec des Universités du Nord et toujours avec l’accompagnement de Pr. Éric Delaporte, ils ont créé des Formations Diplômantes en présentiel et en ligne dont les recettes permettent au Centre d’assurer son fonctionnement. Parallèlement, le centre fait des Applications sur les Subventions de Recherche en Infectiologie et participe à plusieurs projets de recherche. Ce dynamisme fait que le siège est devenu petit et le CERFIG a dû rechercher des fonds nécessaires à l’extension de son siège à partir de 2023, soit après 6 ans d’activités. Par leur management, notre binôme gagnant vient donc de doter la Guinée d’une Institution de Recherche en Infectiologie même si ce centre reste autonome dans son fonctionnement et son financement.

Par ailleurs, l’auteur de ces lignes a aussi été marqué par le côté humaniste de nos deux chercheurs. J’ai été positivement marqué par un acte que peu de Maîtres d’ouvrage peuvent faire à l’égard de l’entreprise des travaux ou du Maître d’œuvre (mission de contrôle) dans le cadre de la réalisation d’un projet d’Infrastructures. Après l’inauguration, j’ai été agréablement surpris que la salle de réunion du siège du CERFIG portait le nom de Dr. Bandian Condé, qui dirigeait le Service des Projets/Planification de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry et assurait à ce titre la supervision des travaux mais qui était décédé juste avant la fin des travaux. Cet acte d’humanisme est resté à jamais gravé dans ma tête car les intervenants techniques (Entreprises et Mission de contrôle) sont généralement considérés comme de simples prestataires, oubliés dès la réception des travaux. Et à chaque fois que je passe devant cette salle, je revois Dr. Bandian lors des réunions de chantier ou des visites de chantier avec ses interventions empreintes d’expérience et de sagesse.

L’autre pan du présent témoignage consiste à parler d’autres apports de nos chercheurs pour notre pays parallèlement à leurs activités du CERFIG comme illustré ci-dessous :

  • Pr. Alpha Kabinet KEITA est celui-là même qui représentait en Guinée, entre 2018 et 2020, le Next Einstein Forum (NEF) et qui a fait beaucoup de sensibilisation dans les lycées et universités sur la recherche scientifique et sur l’utilité pour les jeunes filles de s’intéresser aux matières scientifiques et aux Mathématiques. Depuis fin 2021, Pr. Keita est le Recteur de l’Université Gamal Abdel Nasser de Guinée, première institution universitaire du pays où il a engagé plusieurs réformes structurelles qui sont saluées au niveau national et international, notamment l’organisation de la dernière session du CAMES dans notre pays.
  • Pr Abdoulaye Touré a dirigé entre 2018 et fin 2021 l’Institut National de la Santé Publique (INSP) de Guinée en tant que Directeur National. A ce titre, il a relancé le projet de construction du siège de l’INSP avec la coopération japonaise et a fait réaliser les travaux à plus de 60% avant son remplacement suite à une cabale de malversations qui s’avèrera fausse devant le tribunal de première instance. Pendant la pandémie de COVID, sa gestion du volet test COVID a été saluée par les spécialistes sans oublier la création en son temps d’un bulletin mensuel sur la Santé Publique en Guinée.

Pour terminer, nous voudrions exhorter le gouvernement à profiter de cette remise de prix pour donner une place de choix à la recherche scientifique en Guinée. A cet égard, un accompagnement concret du CERFIG à travers le financement de projets de recherche définis de commun accord avec les autorités du Ministère de tutelle sera un bon départ. Une coopération tripartite entre le Ministère de la santé, le CERFIG et le ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique pourrait jeter les bases d’un programme décennal de recherche en matière de certaines maladies infectieuses fréquentes en Guinée et cela permettrait à notre pays de se frayer une voie sur la scène scientifique internationale.

Au soir du 18 juin 2025, les Guinéens seront très enthousiastes en suivant le compte-rendu de cette remise du Prix Mérieux 2025 dans le JT de 20H30 sur leur petit écran. Avec des prières du genre à demander au Tout-Puissant de guider les pas de ce binôme vers plus de résultats scientifiques leur permettant de remporter à moyen terme le Prix Nobel de Médecine pour le bien de notre pays et de l’Afrique toute entière. L’auteur de ces lignes y croit. En attendant, souhaitons à nos chers Professeurs récipiendaires, bon séjour en France et bonne cérémonie de remise du Prix Mérieux 2025. Nous sommes fiers de vous et vous disons grand merci d’avoir hissé ci-haut notre Rouge-Jaune-Vert.

Mamadou Aissata CISSE,

Gérant-Directeur Général de BUILD AFRICA