Un an après l’enlèvement de Serge Oulon, Reporters sans frontières (RSF) demande à l’ambassadeur du Burkina Faso au Sénégal, Saïdou Maïga, d’apporter des réponses sur la situation des journalistes disparus dans son pays et sur les conditions de vie des reporters réquisitionnés. Lors d’une conférence de presse organisée à Dakar, Saïdou Maïga a indiqué que les portes de l’ambassade étaient grandes ouvertes aux questions des journalistes, RSF l’exhorte à répondre sur la situation de Serge Oulon.
Triste anniversaire pour le journalisme au Burkina Faso. Le 24 juin 2024, le directeur de publication du journal d’investigation L’Événement, Serge Oulon, était enlevé à son domicile par une dizaine d’hommes armés se présentant comme appartenant à l’Agence nationale de renseignement (ANR). Depuis, les rumeurs concernant sa localisation et son état de santé fusent. Mais les preuves de vie données par les autorités burkinabè, qui ont pourtant assumé sa réquisition dans l’armée en octobre 2024, sont inexistantes.
Selon les informations de RSF, trois autres journalistes et chroniqueurs – Adama Bayala, Kalifara Séré et Alain Traoré – sont victimes de disparition forcée et autant – Guezouma Sanogo, Boukari Ouoba et Luc Pagbelguem – ont été réquisitionnés depuis la fin du mois de mars 2025.
En quête de réponse officielle, RSF a multiplié les demandes auprès des autorités burkinabè depuis juin 2024. Ces dernières font, jusqu’à présent, preuve d’un mutisme inacceptable. Lors d’une conférence de presse en mai, l’ambassadeur du Burkina Faso au Sénégal, Saïdou Maïga a affirmé être à la disposition des journalistes pour répondre à toutes leurs questions. RSF lui demande donc ce qu’il est advenu des quatre journalistes enlevés en juin et juillet 2024, notamment Serge Oulon, et dans quelles conditions de vie évoluent les trois journalistes réquisitionnés en mars 2025.
« La volonté affichée de l’ambassadeur du Burkina Faso au Sénégal de dialoguer avec les journalistes sur la situation de son pays est une ouverture à saluer. RSF lui demande par conséquent de partager les informations en sa possession sur le sort réservé aux journalistes Serge Oulon, Alain Traoré, Adama Bayala et Kalifara Séré, enlevés en juin et juillet 2024. Il est également crucial de savoir dans quelles conditions se trouvent leurs confrères Guezouma Sanogo, Boukary Ouoba, dirigeants de l’Association des journalistes du Burkina Faso (AJB) et Luc Pagbelguem, journaliste travaillant pour la chaîne privée BF1, enlevés le 24 mars, et qui, selon une vidéo publiée le 2 avril, ont été réquisitionnés dans les rangs de l’armée », déclareSadibou Marong, Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF
Lors d’une conférence de presse organisée le 13 mai par l’ambassade du Burkina Faso au Sénégal et le député sénégalais Guy Marius Sagna, visant à afficher son soutien au capitaine Ibrahim Traoré, l’ambassadeur Saïdou Maïga a précisé que “les portes de l’ambassade” étaient “grandes ouvertes” aux journalistes exerçant au Sénégal.
Journalistes réquisitionnés : une situation inédite en Afrique de l’Ouest
La situation des journalistes au Burkina Faso est unique sur le continent à ce jour : aucun autre pays ne réquisitionne des reporters comme l’armée burkinabè l’a fait. Le 2 avril, les dirigeants de l’Association des journalistes du Burkina Faso (AJB) Guezouma Sanogo, Boukari Ouoba et le journaliste de la chaîne privée BF1, Luc Pagbelguem sont apparus en treillis militaires dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Ils avaient été enlevés sur leurs lieux de travail respectifs le 24 mars.
En juin et juillet 2024, quatre journalistes et chroniqueurs ont été enlevés à leur domicile ou en pleine circulation.
Par la suite, le directeur général des droits humains du ministère de la Justice, Marcel Zongo, avait annoncé le 24 octobre 2024 que Serge Oulon, Adama Bayala et Kalifara Séré « n’ont pas fait l’objet de disparitions forcées » mais qu’ils ont été réquisitionnés « sur la base du décret portant mobilisation générale et mise en garde ». Mais face à l’absence de preuve concrète, RSF considère la situation des trois journalistes, ainsi que celle d’Alain Traoré, comme des cas de disparitions forcées.
Le Burkina Faso occupe la 105e place sur 180 pays et territoires au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2025.
Reporters Sans Frontières