La Cheffe de Délégation de l’Union européenne en Guinée fait ses valises. En exclusivité, l’Ambassadrice Jolita Pons a reçu La Lance pour dresser le bilan de ses trois ans.

La Lance : Vous intervenez dans la promotion de la gouvernance démocratique et des droits humains. Sur ce volet, pourrait-on dire que c’est moins reluisant ?

Jolita Pons : Ce sont des volets extrêmement importants pour nous. Dans toute l’action extérieure de l’Union européenne, nous avons pour objectif de soutenir la société civile et de promouvoir les droits de l’homme. Nous faisons appel, bien sûr, aux sociétés civiles locales. On a travaillé avec plusieurs sociétés et organisations, on a mis en place un cadre de dialogue structuré. C’était aussi pour les encourager à participer à la préparation du retour à l’ordre constitutionnel. Dans ce cadre, la société civile avait élaboré beaucoup de recommandations. C’était plutôt réussi, parce qu’il y avait des acteurs de la société civile qui avaient certains désaccords, mais qui trouvaient dans ce forum un espace pour échanger malgré leurs différends. Et ensuite, ils ont pu, en tant que cadre de dialogue structuré, rencontrer les autorités, leur soumettre leurs recommandations. C’est un des aspects sur lesquels nous avons travaillé.

Par ailleurs, nous avons plusieurs autres projets sur les droits humains : lutte contre la violence faite aux femmes, l’accès à la justice… Dans certaines villes, c’est ce qu’on appelle les « Maisons de justice ». C’est-à-dire que les gens ont le droit à une consultation juridique, là où ils ne peuvent pas y accéder autrement. On a été très actifs aussi en soutien aux victimes [du massacre] du 28-Septembre. Depuis des années, on a un grand financement pour leur offrir une aide psychologique et une assistance juridique.

On a fait beaucoup de choses avec les universités pour promouvoir la nation, les concours de plaidoiries, les droits de l’homme. Les personnes doivent être conscientes de leurs droits, avant tout. C’est aussi un grand travail de sensibilisation sur l’importance des droits de l’homme que nous avons fait avec les jeunes. Je pense que ça a plutôt bien marché. Chaque année, on lance des appels à d’offres pour soutenir différents projets sur les droits humains et la société.

Quelle analyse faites-vous du projet de nouvelle constitution ?

Je crois qu’il y a plusieurs recommandations qui ont été reprises par plusieurs dispositions du projet de Constitution : la non-discrimination ; le droit d’association ; d’expression, etc.

Je crois que la société civile avait aussi formulé des recommandations sur l’égalité de genre. Et plusieurs dispositions promeuvent le rôle des femmes dans la gouvernance du pays.

Maintenant, la Constitution devra être mise en œuvre si elle est adoptée par le peuple.

La date du 21 septembre pour la tenue du référendum vous paraît-elle tenable ?

Les autorités nous disent que le 21 septembre reste un objectif. J’imagine que les dispositions sont en train d’être prises, car il y a tout de même plusieurs étapes à franchir, notamment le fichier électoral.  Nous ne sommes pas vraiment impliqués dans le processus de préparation. Pour nous, il est donc difficile de nous prononcer sur l’état réel des préparatifs. Toutefois, il me semble que, pour l’instant, la ligne du gouvernement est que le référendum aura lieu.

Quid de la tenue des autres scrutins dont la date reste à fixer, de la candidature éventuelle du général Doumbouya ?

Nous n’avons pas d’avis sur qui se présente ou non aux élections. Ce qui nous importe, c’est que l’État de droit soit respecté et que les normes internationales démocratiques soient appliquées. Je pense que beaucoup aimeraient connaître le calendrier un peu plus tôt. Pour l’instant, la position du gouvernement est que les élections se tiendront à la fin de l’année. On n’a pas plus de précisions. Je pense qu’il serait bien d’avoir plus de visibilité à l’avance pour les citoyens, mais surtout pour les partis politiques. Ce qui permettrait à ceux-ci de se préparer.

J’imagine que des annonces seront faites prochainement.

Les annonces sur l’agenda électoral sont pour le moment contradictoires…

Écoutez, nous n’en savons pas plus que vous. Nous attendons de voir. Dans nos échanges avec le gouvernement et les autorités, nous les encourageons à faire une annonce définitive assez rapidement.

Pour nous, ce qui est important dans tout cela, c’est le respect du pluralisme politique et la transparence des processus. Connaître la date bien avant contribue à cela.

Cela fait un an qu’on est sans nouvelles de Foniké Menguè et de Billo Bah. Qu’avez-vous à dire au sujet des enlèvements d’une manière générale en Guinée ?

Le 9 juillet, notre siège a publié un tweet dans lequel l’Union européenne encourage, voire incite la Guinée à faire la lumière sur ces cas d’enlèvement le plus rapidement possible. Il est vrai qu’on nous dit que les investigations sont en cours, mais la lumière n’est toujours pas faite.

Nous notons également que depuis l’enlèvement de Foniké Menguè et de Billo Bah, il y a eu d’autres enlèvements, séquestrations et différentes formes de violations graves des droits humains.

De la gauche vers la droite, Mariama Dalanda Bah, Jolita Pons et Diawo Labboyah Barry

Nous rappelons qu’il est important, pour toute société qui se veut harmonieuse, de respecter les droits humains, notamment le droit à la liberté d’expression et le pluralisme politique.

Parlons du projet Simandou. L’arrivée du CNRD au pouvoir a-t-elle permis de rééquilibrer les intérêts entre entreprises chinoises et occidentales comme le croient certains observateurs ?

Oui, il me semble que plusieurs entreprises européennes ont pu participer à divers travaux d’infrastructures. Globalement, je pense qu’il y a eu une volonté exprimée d’ouvrir le projet à différents partenaires. Sur cet aspect, on peut dire que c’est bien le cas.

Enfin, vous partez de la Guinée ; quelle est votre prochaine destination ?

Je vais retourner au siège à Bruxelles, car je suis partie depuis dix ans dans différentes délégations. Et je vais garder un bon souvenir de mon séjour en Guinée. C’était agité. Il y avait beaucoup de choses à faire. C’était intéressant, parfois plein de défis. Mais globalement, ce que je vais retenir le plus, ce sont les Guinéennes et les Guinéens et leur accueil chaleureux, surtout dans les régions. Et aussi, la résilience du peuple guinéen. Je souhaite tout le meilleur pour l’avenir de la Guinée. Fin !

Entretien réalisé par

Diawo Labboyah Barry

et Mariama Dalanda Bah