Rouen, 22 juil 2019 (AFP) – Moins de soixante-douze heures après l’agression mortelle d’un jeune universitaire guinéen près de Rouen (nord-ouest), qui a suscité un fort émoi en France pour son caractère présumé raciste, un homme de nationalité turque, selon des sources policières, a été placé en garde à vue lundi matin. Le suspect, né en 1990, a été interpellé « ce matin à Rouen » et a des « antécédents psychiatriques », a-t-on déclaré de source policière.
« C’est un petit voyou connu pour des délits mineurs, comme de stupéfiants », a indiqué à l’AFP une autre source policière. « Il a été identifié sur la base de l’exploitation de vidéos et de témoignages », a ajouté cette source, précisant que le suspect était originaire de Canteleu, dans la banlieue de Rouen, où s’est déroulée l’agression, mais n’y habite plus.
De même source, le suspect portait « un maillot du club turc de Galatasaray », un club de football d’Istanbul, au moment des faits qui ont eu lieu vendredi vers 18H20 GMT, peu avant la finale de la Coupe d’Afrique des Nations entre l’Algérie et le Sénégal. Le procureur de Rouen Pascal Prache a confirmé à l’AFP qu’une personne a été interpellée et placée en garde à vue.
Selon l’avocat de la famille Me Jonas Haddad, « il s’agit d’un crime raciste, sans aucun doute, mais rien ne permet d’établir que c’est en lien avec la finale de la CAN. Rien ne permet de dire aussi qu’il a été agressé par un supporteur algérien », avait-il dit lundi matin à l’AFP alors que certaines personnalités et associations pointaient du doigt la communauté algérienne.

Marche blanche vendredi

Vendredi soir, Mamoudou Barry, enseignant-chercheur à l’Université de Rouen-Normandie, a été invectivé par son agresseur, à la hauteur d’un arrêt de bus à Canteleu alors qu’il rentrait chez lui en voiture avec son épouse, selon des proches de la victime et l’avocat.
« L’agresseur les a pointés du doigt et a dit: « Vous les sales noirs, on va vous niquer ce soir »», a expliqué Kalil Aissata Kéita, enseignant chercheur à l’Université de Rouen, lui aussi Guinéen et « ami proche » de la victime.
M. Barry serait descendu de sa voiture pour demander des explications. L’agresseur « l’a frappé à coups de poings et de bouteilles », puis, « la victime est mal tombée, il a perdu beaucoup de sang. Quelqu’un a tenté de lui faire un massage cardiaque », a expliqué Me Haddad. Transporté à l’hôpital de Rouen, Mamoudou Barry, père d’une petite fille, est mort samedi.
Mamoudou Barry, âgé de 31 ans, avait soutenu une thèse de droit le 27 juin à Rouen sur les « Politiques fiscales et douanières en matière d’investissements étrangers en Afrique francophone », selon le site de l’Université.
Une marche blanche doit être organisée vendredi à Rouen, a précisé l’avocat.
Cette agression mortelle avait suscité dimanche une cascade de réactions politiques, de droite comme de gauche. Le député Les Républicains (droite) Éric Ciotti s’est déclaré « scandalisé par ce crime barbare », tandis que la présidente de la région parisienne Valérie Pécresse se disait « choquée ». « Le racisme à en pleurer. Une femme, une fille dévorées par le chagrin parce que la vie de celui qu’elles aimaient a rencontré un abruti », s’était indigné pour sa part le Premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure.
Dans un communiqué diffusé lundi, SOS Racisme estime que « toute la lumière doit être rapidement faite sur les circonstances de cet acte barbare. En effet, il flotte sur cet acte criminel un parfum de racisme sur lequel les services enquêteurs doivent rapidement se prononcer ».

AFP