Lelynx.net : La CENI organise les élections locales le 4 février prochain après plusieurs reports. Est-ce que vous y croyez ?

Abdourahmane Diallo : Selon le chronogramme déroulé par la CENI, il semble qu’on va vers cette échéance électorale. Maintenant, est ce que la CENI est prête, techniquement, logistiquement, pour couvrir plus de 300 circonscriptions. Des CEPI, Commissions électorales préfectorales indépendantes, peuvent avoir à gérer jusqu’à six élections en même temps. Même s’il y a des CESPI, Commissions électorales sous-préfectorales indépendantes qui vont les accompagner, mais vous n’avez pas beaucoup de membres selon l’ancienne organisation des CESPI. Y aura-t-il des renforts sur les ressources humaines, il y a toutes ces questions qui se posent.

En ce qui concerne le délai, le décret convoquant le corps électoral a été pris, même si c’est avec un jour d’avance. Mais on a bonne foi que les élections se tiennent cette fois, même si comme on a l’habitude de dire, elles se tiennent pour se tenir avec quelques dérapages.

Vous comptez briguer la tête du conseil communal de Matoto, qu’est-ce qui motive cette candidature ?

Un constat. Je pense qu’on a longtemps abandonné les instances de prise de décision aux autres. On a banalisé le fait d’avoir des bons dirigeants, de choisir des personnes capables de conduire les destinées de nos communes. Entre 1995, premières élections locales dites démocratiques et maintenant, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Vous avez une jeunesse bien éduquée, bien formée. Ce n’est pas au temps des CRD où il fallait prendre des analphabètes. Maintenant il y a des jeunes qui peuvent gérer les communes. Ensuite c’est un désarroi. Nos communes ont longtemps été gérés d’une mauvaise manière, il n’y a pas eu de perspectives politiques, on s’est limité à une gestion quotidienne. Pour toutes ces raisons, on a voulu s’engager. Mais c’est aussi pour porter le débat. Les deux précédentes élections, la présidentielle et les législatives, on s’est limité à un débat de surface, un débat électoraliste et non un débat de fonds. C’est-à-dire qu’elle est la vision de développement de nos collectivités. Récemment je discutais du foncier, de l’aménagement du territoire. Aujourd’hui vous avez une urbanisation sauvage. C’est vrai que cette gestion est confié au ministère de l’Aménagement du territoire, mais c’est surtout un travail des collectivités locales. Comment on protège les terres agricoles ? On dit que la Guinée dispose de six millions d’hectares de terre cultivable, mais si on ne détermine pas les zones habitables, agricoles et autres, on risque de tout perdre. Et c’est du travail des collectivités. Donc il y a tout ce débat qui entre ligne de compte. Mais aussi l’accès à l’eau, le transport, les voiries urbaines et communales, comment les entretenir et surtout comment générer plus de ressources pour assurer l’autonomie financière des communes.

Qu’est-ce que vous proposez, contrairement aux politiques qui ont habitué les électeurs au même discours ?

Il y a un programme développé par les listes citoyennes qui s’appuie sur cinq axes dont le premier porte sur la réforme administrative. Aujourd’hui l’administration communale ne fonctionne pas, ce n’est pas un outil efficace de développement. On n’a pas les ressources humaines qu’il faut ou vous les avez mais elles sont mal gérées. Il faut un appareil administratif qui fonctionne d’abord.

Pour créer de l’emploi, il faut développer les infrastructures. La première chose qui peut générer des emplois c’est si les communes peuvent investir dans l’aménagement des espaces publics. L’investissement est le premier moteur de l’emploi.

Comment comptez-vous trouver les ressources financières pour investir, si vous êtes élus maire ?

Il y a une chose difficile pour les communes, elles n’ont pas un pouvoir législatif total. Ses décisions ne sont applicables qu’au niveau local. Pour aller plus loin, il faut une synergie entre les communes et le Parlement. Il faut que les députés uninominaux, sinon l’ensembles des députés travaillent avec les élus locaux pour donner plus d’autonomie aux communes. Ensuite, la part de l’assiette fiscale qui revient aux communes doit être versé à temps. Tout cela entre dans le cadre de la réforme de l’administration communale.

Ensuite, il y a les taxes. Il faut que les citoyens payent les taxes. Si vous voulez améliorer le taux de recouvrement. Exemple, sur les personnes imposables pour la patente, l’administration fiscale communale doit avoir une base de donnée qui détermine le nombre de personnes redevables de la patente. Il faut rendre plus efficace l’administration fiscale. Optimiser les recettes pour qu’il n’y ai pas de détournement des deniers communaux.

Quelle est la particularité de la liste communale ?

La liste que nous conduisons n’a pas la science infuse, on veut conforter notre programme aux programmes des autres pour voir quel est le point de recoupement. On veut trouver des solutions efficaces, des stratégies pour répondre à toutes les questions. Parce que la première question pour les communes, c’est comment trouver les ressources. S’il n’y a pas de ressources, il n’y aura pas d’assainissement, pas de fourniture d’eau, pas d’éducation de base, ni entretien des voiries communales ou les infrastructures. Tout est question de financement.

A date, est ce que votre candidature tient toujours ?

On a la volonté d’aller aux élections. On veut présenter une liste, mais il y a des conditions à remplir. En ce qui concerne la constitution des listes, là n’est pas le problème, mais la mobilisation des dossiers. Au-delà de la caution, il y a les moyens nécessaires pour déployer la campagne. Il ne sert à rien de présenter une candidature et ne pas avoir les moyens de faire campagne. On a jusqu’au 20 décembre pour déposer la liste ou ne pas la déposer. A l’état actuel, on est dans une situation où tous les fonds nécessaires pour une campagne réussie ne sont pas mobilisés, certains documents sont en souffrance, les règles ont changé. Le certificat de non poursuite judicaire n’est plus valable et il y a des candidats nés dans des contrés éloignés. Ils sont obligés de retourner là-bas pour obtenir un casier judiciaire, ce qui fait des coûts et du temps supplémentaire. On est en train de se battre pour déposer la liste.

Maintenant si on ne parvenait à déposer la liste, cela ne nous empêche pas en tant que citoyen de continuer à porter le débat public sur la gestion des collectivités locales. Notre slogan c’est Montrer la voie. Ce n’est peut-être pas assez modeste comme slogan, mais l’idée c’est de forcer le débat, l’imposer. Qu’on quitte le débat sur les bulletins de vote et la structure des bureaux pour parler programmes. Ce qu’ils ont sur la santé, l’éducation, l’accès à l’eau, les infrastructures, comment on mobilise les ressources, quelle type d’administration on veut. Candidat ou pas, nous porterons le débat, mais nous espérons pouvoir y parvenir.

Quelles sont vos chances de gagner quand on sait que traditionnellement, tout le monde vote pour les partis politiques ?

C’est vrai qu’on est dans une structure électorale ou les gens votent beaucoup plus pour les candidats des partis politiques qui ont plus de moyens, plus implantés, plus structurés. Mais après, on ne peut pas aller à une bataille en s’avouant vaincu. On aura gagné quand on réussit à faire débattre aux partis politiques sur les vrais enjeux de sociétés dans les collectivités locales, les sortir du débat électoraliste pour les amener sur les vrais problèmes des communes et qu’ils posent des pistes de solutions. L’enjeu n’est pas forcément d’être élu, mais que le débat soit sain, que les engagements pris par les candidats, que nous ayons la légitimité de suivre si les promesses ont été tenues.

Est-ce que vous envisagez la possibilité d’une alliance ?

On est en train de voir comment fusionner les listes. Si elle ne s’appelle pas liste citoyenne, elle portera peut-être le nom d’autres candidats. On explore toutes les voies possibles pour qu’on soit présent pendant les débats.

Avez-vous fini de remplir les formalités pour la candidature ?

On a deux obstacles. Un, la question des formalités. Deux, le financement de la campagne. Il ne sert à rien de déposer une candidature si on n’a pas les moyens de développer son programme auprès des populations. On se bat pour que toutes les personnes sur la liste répondent aux critères, sinon qu’on s’associe avec une autre liste capable de défendre le programme que nous avons. Nous explorons les deux pistes de solutions.

Si nous parvenons à lever le premier obstacle, il est impératif qu’on lève le second. Réunir les ressources financières pour la campagne. Cela fait un an que nous sommes dans la mobilisations des ressources. Mais on ne peut pas financer sa campagne seule.

L’Etat octroie des subventions aux partis politiques, peut-être que les listes indépendantes pourraient en bénéficier ?

Je ne sais pas si pour cette élection, spécifiquement, les partis bénéficieront des subventions, ils ont tout de même l’habitude d’en recevoir. Mais les candidats indépendants, je ne pense pas. La grosse difficulté des candidatures indépendantes c’est l’absence de ressources financière, elles n’ont pas les moyens comme les partis politiques. Alors qu’une campagne bien structurée, bien organisée qui a pour but de gagner des voies demande des moyens conséquents.

Quand on va dans une bataille, il faut se munir de tous les moyens. Sinon, mieux vaut se retirer, réfléchir et se préparer pour d’autres échéances.

Avez-vous entendu parler du Fonds national de développement local ?

Oui. C’est un fond mis en place pour financer des investissements au niveau des collectivités locales. Je ne sais pas comment il fonctionne, pour ne pas mentir, et ni comment il est alimenté. Tout ce que je peux dire, ce qu’il ne fonctionne pas pour le moment. Déjà, voilà un sujet de débat pour faire en sorte que ce fond soit actif, qu’il soit utile aux collectivité.

En conclusion, candidat ou pas, qu’on parvient à remplir les conditions ou pas, on va s’engager dans la bataille électorale et soutenir des candidatures indépendantes viables. Il y a certaines listes avec lesquelles on a travaillé et qui sont très en avance. Elles ont réussi à mobiliser les ressources, les documents valides. Reste à savoir si la candidature va être validée, parce qu’un détail peut toujours échapper. Donc, on va soutenir ces listes-là tant qu’elles participent au débat et que les solutions qu’elles proposent puissent améliorer la gouvernance locale.