La décision rendue par la justice militaire somalienne le 1er novembre 2018 et dont RSF a pu obtenir une copie est sans appel : “Il est désormais clairement établi pour la Cour que le sergent de police Abdullahi Ahmed Nur, travaillant pour les services des douanes et de finances, a commis le crime dont il est accusé”, écrit le juge. Le policier a été condamné à 5 ans de prison ferme et au remboursement de cent chameaux à la famille d’Abdirisak Qasim Iman, cameraman pour la chaîne Somali Broadcasting Services (SBS) froidement abattu de deux balles en pleine tête à l’issue d’un contrôle de police effectué à Mogadiscio le 26 juillet 2018.
Selon les informations obtenues par RSF auprès de la famille du journaliste et de plusieurs sources locales, le policier, pourtant très rapidement identifié comme suspect, s’est réfugié dans la ville de Galkayo, située à plus de 700 km au nord-est de Mogadiscio, et n’a jusqu’à présent pas été arrêté. Sa condamnation par la justice militaire n’avait jamais été rendue publique pour éviter qu’il ne prenne la fuite. Un proche collaborateur du président somalien a affirmé à RSF que le dossier était “très suivi” et qu’une rencontre avec des responsables de la police était prévue à ce sujet.
“Cette condamnation est un pas important dans la lutte contre l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes en Somalie, l’un des pays les plus dangereux pour les reporters sur le continent africain, estime Arnaud Froger, responsable du bureau Afrique de RSF. Il est désormais impératif que ce policier soit arrêté afin que la décision de justice soit exécutée et que les journalistes se sentent plus protégés mêmes lorsque des membres des forces de sécurité sont à l’origine des exactions commises contre les professionnels de l’information”.
Avec 56 journalistes tués, la Somalie est le pays le plus meurtrier d’Afrique pour les professionnels des médias de ces dix dernières années. Des progrès notables pour lutter contre l’impunité totale dont bénéficiaient jusque-là des éléments de ses forces de sécurité ont été réalisés ces derniers mois. Le 24 mars, deux militaires ont été arrêtés pour avoir malmené et humilié deux reporters qui effectuaient des interviews de passants dans les rues de la capitale somalienne. Le mois dernier, un soldat de la garde présidentielle a été arrêté et une enquête a été ouverte peu après que ce dernier a violemment agressé Abdulkadir Ahmed Mohamed journaliste de la radio Voice of Banadir Regional Administration.
La Somalie occupe la 164e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2019. L’année dernière, trois journalistes y ont été tuées dans l’exercice de leur fonction.