La pandémie est –elle en voie d’être contrôlée en Guinée ?
Les informations diffusées par les médias y compris les réseaux sociaux donnent une image rassurante de la situation de la pandémie en Guinée. Elles se basent sur une « tendance à la baisse » « La Guinée enregistre moins de cas » et une prouesse dans la prise en charge qui aboutit à «On a le meilleur taux de guérison de la sous-région », « la victoire n’est pas loin de nous ».

La réalité est tout autre, car en dépit des efforts salutaires comme l’ouverture de nouveaux centres de prise en charge à l’intérieur du pays (Fria, N’Nzérékoré) et l’augmentation de la capacité de dépistage, la pandémie se répand lentement mais inexorablement. En effet, le taux de positivité par jour dépend du nombre de personnes dépistées avec un taux de positivité toujours supérieur à 8%. Le nombre de nouveaux positifs est supérieur au nombre de guéris tout au long de la semaine écoulée. A cela s’ajoute l’apparition de nouveaux foyers dans les préfectures (Macenta, Tougué, Lola, Siguiri) et la persistance de foyers anciens (Coyah, Fria, Boké, Kindia, Dubréka, Mamou). On ne peut pas parler de baisse tant que le pic épidémique n’est pas atteint. Le retard à atteindre ce pic veut dire que l’épidémie continue de progresser.
Par ailleurs les taux de guérison, fièrement brandis, ne reflètent nullement le succès de la lutte contre la pandémie dans la mesure où il est bien connu que plus de 80% des personnes positives ne développent pas la maladie et se débarrassent du virus au bout d’un certain temps sans traitement. Par contre la diminution de la mortalité des cas symptomatiques et des cas graves constitue une preuve d’efficacité de la prise en charge. Malheureusement ces données ne sont pas communiquées au public. Pourquoi la pandémie ne régresse pas ?

Plusieurs raisons peuvent être invoquées :
1. Le relâchement quasi-général des mesures barrières de prévention et la banalisation de la maladie y compris les doutes quant à son existence ;
2. L’inefficacité apparente des barrages routiers qui laissent passer les positifs vers les préfectures car il est apparu que la quasi-totalité des cas préfectoraux à ce jour viennent de Conakry.
3. La non maitrise des foyers de contamination (Faible décentralisation du dépistage ; Faible taux de suivi des dépistés positifs et de leurs contacts avec des perdus de vue estimés à plus de 60% des positifs dépistés) ;
4. La circulation transfrontalière entre la Guinée et les pays voisins Guinéens fortement touchés (Sénégal et Côte D’Ivoire) pourrait être une source non négligeable de propagation du virus dans les préfectures de retour des migrants dépourvues de centres de prise en charge.
Que faut-il faire ?
1. Renforcer la communication pour le respect des mesures barrières de prévention et le changement de mentalité par rapport à la pandémie ;
2. Impliquer les anciens malades de COVID 19 dans la prévention au niveau décentralisé ;
3. Revoir la stratégie des barrages routiers selon une approche plus professionnelle (protection civile) que policière.
4. Accélérer la décentralisation de la prise en charge des cas selon un protocole actualisé, adapté à chaque contexte et avec un personnel local formé à cet effet ;
5. Décentraliser le dépistage y compris le dépistage mobile ;
6. Affiner la stratégie de suivi des positifs et des foyers de transmission communautaire du virus.
7. Définir une stratégie de lutte transfrontalière pour les préfectures concernées.