Dans un entretien qu’il nous a accordé le 1er janvier 2021 à Conakry, l’opposant et dépité à l’Assemblée nationale, Mamadou Baadiko Bah, a réprouvé la ruée de l’exploitation minière en Guinée. L’on est en train de confondre l’exploitation minière et prospérité, explique-t-il. Le président de l’Union des forces démocratiques n’est pas contre le fait que la Guinée soit deuxième mondial des exportateurs de l’or rouge, mais le pays ne s’est pas interrogé sur quelle base il devrait accélérer l’exploitation de ses mines épuisables. On «a mis en avant l’objectif qualitatif sans voir celui, qualitatif.»
Selon le député, la Guinée s’est appuyée sur un Code minier «tellement hyper-généreux qu’il ne peut attirer que des vautours. Aujourd’hui, il ne reste que l’exploitation brute des minerais non renouvelables, sans aucune retombée sérieuse, puisque toutes ces sociétés bénéficient généreusement d’exemption fiscale en vertu du Code minier et sur des années et des années. Le peu que l’on attend quelles payent en termes de taxes d’exportations et autres, on n’en sait pas trop. Est-ce que réellement tout le monde paie ? Est-ce que les conditions minimales sont respectées ? » Et d’enfoncer le clou : «C’est pourquoi, à l’Assemblée nationale, nous avons dit que le Code minier est hyper-généreux et qu’il faut le réviser. On n’a pas besoin de gens qui ne veulent que creuser des cailloux et les mettre dans des camions. Cela ne nous rapporte rien. Les seules retombées que Boké enregistre, c’est la poussière rouge, toxique qui rende la vie impossible aux habitants. Les retombés positives, aucune.»
« C’est le système de prédation, de corruption »
La Guinée dispose de plusieurs mécanismes de financement des collectivités, notamment l’ANAFI (Agence nationale de financement des collectivités) et le FODEL (Fonds de développement économique local). Mais sur le terrain, les projets réalisés se comptent sur le bout des doigts. Selon Mamadou Baadiko Bah, ce n’est pas le FODEL ou l’ANAFIC qui ont échoué, mais c’est la politique du gouvernement qui a échoué. « On est dans un système de parti-Etat. Parti prébendier où chacun doit prendre sa part. Donc, lorsque qu’on reçoit un budget, tout le monde sait que c’est pour se le partager, ce ne pas pour travailler. C’est pour cela qu’il n’y a pas de corrélation entre l’énormité des moyens que l’on dégage sur le plan théorique et les réalisations, puisque sur toute la chaîne, de haut en bas de l’échelle, chacun se sucre, détourne, prend sa part. C’est le système de prédation, de corruption et d’enrichissement illicite qui est à l’origine de cette dilapidation des richesses minières au détriment des pauvres communautés impactées. Les moyens dégagés ne se répercutent pas dans la vie des populations. C’est la défaillance de la politique qui s’en tient à des dispositifs théoriques qui ne fonctionnent pas », dénonce le président de l’Union des Forces Démocratiques.
Yaya Doumbouya