Aujourd’hui, le régime du Président Alpha Condé est caractérisé par la chasse à tous ceux qui luttent pour la démocratie et les droits humains. Les militants de l’UFDG et les membres du FNDC sont ses principales cibles. Ils poireautent qui, dans les geôles du même Président Condé, qui en exil, qui dans la clandestinité. Après la mort en détention de quatre prisonniers politiques, Madic100 frontières vient d’écoper de cinq ans de tôles et 100 millions d’amende. En 1999, Alpha était lui aussi en détention. Pour avoir défendu les mêmes valeurs que les citoyens épris de paix et de justice que l’ancien opposant historique a entrepris de terroriser. Voici le texte qu’il avait publié dans les colonnes du Lynx depuis sa cellule de Coronthie, peu après l’arrestation en octobre 1998 à Londres, du terrible dictateur chilien, Augusto Pinochet. Autre temps, autres mœurs :
«Augusto Pinochet, qui fut l’un des implacables dictateurs latino-américains, va devoir rendre des comptes à la justice de son pays. Dans un jugement historique, rendu public mardi 8 août, (1999 ndlr) la Cour suprême du Chili a confirmé la décision qui avait été prise, début juin, par une cour d’appel de Santiago, de lever l’immunité parlementaire du général Pinochet, auteur d’un coup d’Etat contre le président socialiste, Salvador Allende, en 1973 et devenu sénateur à vie en 1997. Par 14 voix contre 6, la Cour a estimé qu’il existait des «soupçons fondés» permettant de poursuivre l’ex-dictateur pour avoir ordonné les crimes de la caravane de la mort : «un commando militaire qui avait sillonné le Chili en octobre 1973 et exécuté 74 opposants politiques, comme le note Le Monde du 10 août). Les défenseurs des droits de l’Homme saluent une décision qui, en remettant en cause l’immunité des chefs d’Etat, ouvre des perspectives nouvelles pour la justice internationale. C’est une décision importante, car après que la Grande Bretagne eut laissé partir Pinochet, beaucoup de gens ne croyaient plus à une possible poursuite du tyran dans son pays.
Le Chili met en accusation le régime instauré à la faveur d’un coup d’Etat de 1973, dont l’ombre pesait encore sur les institutions et sur les esprits, près de trente années plus tard. Une bonne nouvelle pour ceux qui prônent une justice sans frontières. Précisément parce qu’elle émane d’une juridiction chilienne, elle est une édifiante illustration de ce que peut accomplir la coopération internationale en la matière : aider une société à lever les tabous et à se libérer d’une période particulièrement sombre de son histoire. Une avancée importante aussi dans la défense des droits de l’Homme et une menace pour tous les tortionnaires et autres tyrannosaures.
La démonstration qu’entendaient faire les militants des droits de l’Homme à propos de Pinochet avait, pour l’essentiel, déjà eu lieu avant cet arrêt de la cour suprême. Déjà le juge madrilène Balthazar Garzon s’était appuyé en particulier sur la convention de 1984 sur la torture qui fait obligation aux Etats signataires de poursuivre sur leur territoire tout responsable de ces mauvais traitements, quelles que soient sa nationalité, celles de ses victimes, ou le pays dans lequel il a sévi. Ce traitement constitue désormais une vraie menace pénale pour bien des tortionnaires qui, jusque-là, voyageaient sans crainte ou s’offraient des exils dorés.
Déjà les Lords britanniques, non suspects de démagogie, avaient porté dans leur première décision du 25 novembre 1998, un coup décisif au principe de l’immunité des chefs d’Etat. C’est-à-dire que l’immunité que la plupart des pays reconnaissaient aux chefs d’Etat en exercice, ne peut plus guère après ce jugement des Lords, se justifier en droit, mais seulement en vertu d’un principe d’opportunité politique.
Un autre grand mérite de l’affaire Pinochet est d’avoir imposé l’idée de la «permanence du délit à propos des disparitions, tant que les corps des disparus n’ont pas été retrouvés.»
L’arrêt de la Cour suprême du Chili est un encouragement pour les enfants des victimes du camp Boiro et autres organisations des droits de l’Homme, pour renforcer leur action en vue de la poursuite et de l’arrestation des tortionnaires d’hier et d’aujourd’hui en Guinée. A ce propos une liste de noms, tenue secrète, existe déjà. Voyager en dehors de nos frontières va de plus en plus être périlleux pour beaucoup.»
Alpha Condé