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Par Daouda Diallo, Conseiller Financier Senior
Banque Nationale du Canada

« Un peuple qui élit des corrompus, des imposteurs, des traîtres n’est pas victime, il est complice. » La situation de la Guinée n’a pas évolué depuis l’indépendance. On se plaint encore des mêmes maux : un manque criard de biens et services pour assurer une satisfaction des besoins fondamentaux de la population. Je crois qu’au regard de tout ce que nous avons comme ressources, le Guinéen mérite mieux. Depuis l’avènement du multipartisme, nous sommes quasiment dirigés par les mêmes personnes, ce sont seulement la casquette politique et l’influence des uns et des autres qui ont varié au fil du temps. Et nous, en tant que citoyens, nous permettons que ces dernières continuent d’exercer le pouvoir d’une façon déplorable. Les injustices et les scandales financiers se multiplient; l’État ne le condamne guère et une majorité du peuple ne réclame pas non plus justice.

C’est surtout le style de gestion qui est prôné en Guinée, il faut militer pour avoir un poste de responsabilité et cela n’a pas commencé avec Alpha Condé. Pourtant, dans un ministère, la seule fonction qui devrait être politique est celle du ministre et de son cabinet. Le secrétaire général et autres cadres doivent être sélectionnés sur la base d’un concours de recrutement, mais en Guinée, le président et ses ministres nomment tout le monde jusqu’au dernier planton. Finalement, avec le salaire que les fonctionnaires perçoivent, versus le coût de la vie, ceux-là sont souvent à la solde des politiciens qu’ils aident à changer les lois et se maintenir au pouvoir voire même renforcer le système de corruption pour s’enrichir davantage au détriment des pauvres populations.

La bonne nouvelle, c’est que cette situation n’est pas une fatalité et plusieurs pistes de solutions existent pour changer les choses, notamment:

  • Il faut tout d’abord un réveil généralisé des consciences en Guinée. Il faudrait que les leaders communautaires, d’opinions et politiques s’intéressent à comment faire évoluer les mentalités et ce, dans tous les domaines : à respecter eux-mêmes les lois du pays, apprendre à voter pour un projet et non pour une personne, éviter les haines ethniques, accepter d’innover dans le monde des affaires;
  • Il faut repenser notre modèle de gouvernance : lorsqu’on procède au recrutement de personnes qualifiées et non de nommer des cadres par militantisme, cela favorise la dépolitisation de notre administration publique et permet à nos cadres de travailler avec leur confiance, leur conscience et leur compétence sans devoir forcément plaire à un politicien et diminue considérablement le népotisme et le clientélisme qui gangrènent notre pays;
  • Il faudrait que l’État tende la main au secteur privé et informel guinéen en garantissant aux acteurs de ces secteurs la sécurité de leurs biens et une justice transparente et équitable pour régler des litiges commerciaux, financiers et économiques, en assurant au moins l’existence et la pérennité des infrastructures de base comme les routes et l’électricité qui demeurent incontournable pour un pays qui veut s’industrialiser.
  • Il nous faut une stratégie de développement globale avec des objectifs précis et concrets, quantitatifs et qualitatifs qui s’inscrivent dans une dimension temporelle et spatiale.

Pour conclure, je vais rappeler la phrase de George Orwell : un peuple qui élit des corrompus, des renégats, des imposteurs, des voleurs et des traîtres n’est pas victime, il est complice. J’appelle donc le peuple de Guinée dans son ensemble à s’engager que ce soit dans la politique ou dans la vie sociale ou même économique, il est celui qui subit, lui seul a la solution aux problèmes qui minent le pays depuis plus de 60 ans. Ce n’est pas aux politiciens de régler les problèmes qu’ils ont eux-mêmes créés pour la plupart.