Comme d’habitude, j’étais allée voir mon cher époux aujourd’hui à la Maison centrale de Conakry où il est en détention illégale pour son opinion depuis sept mois maintenant.
Dans nos échanges toujours faits de douleurs à cause de l’injustice dont il est victime, on a aussi parlé de ce qui se passe dans notre pays en général. Je lui ai expliqué combien de fois la vie est devenue chère pour les guinéen-nes, combien de fois les prix de certaines denrées de première nécessité ont explosé, certains prix ont doublé voire triplé au marché depuis avant le ramadan, avant de s’aggraver encore après ce mois saint. Je lui ai expliqué combien de fois le Guinéen souffre, perd le sourire et perd l’espoir. Je lui ai dit que presque la majorité des guinéens est en prison comme lui, car une vie aussi dure est identique à une prison: la prison de la pauvreté et du désespoir.
Dans sa prise de parole, avec une gorge serrée certainement remplie de colère, il m’a dit que son cœur pleure pour ces concitoyen-nes qui traversent une période difficile, pour ces mamans qui n’ont connu que cette vie difficile depuis des décennies, avec des gouvernants qui ne savent que se servir du peuple au lieu de le servir. Un peu devant, il me fixe dans les yeux et me dit, vu tout ce qui se passe en ce moment depuis le forcing de M. Alpha Condé pour s’octroyer un troisième mandat, qu’il ne peut qu’être fier d’être dans le camp des guinéen-nes qui ont dit non au troisième mandat, qui se sont opposés avec des sacrifices énormes à ce mandat illégal dont les conséquences directes commencent à apparaître en faisant souffrir de façon exécrable la population guinéenne. Surtout qu’il ne regrette pas de faire la prison pour la deuxième fois pour son opposition à ce mandat illégitime que la constitution guinéenne a interdit.
Chère épouse, il a ajouté, tout mon bonheur, toute ma fierté et la prière que j’adresse à Dieu, c’est de ne pas mourir tranquillement dans mon lit, mais de mourir debout, pour une noble cause: celle de la liberté, du bonheur et de la dignité du peuple de Guinée.
Et il termine en me disant que Dieu facilite ce mois béni de ramadan à tous les fidèles musulmans de Guinée et du monde.
Malgré l’amertume et la solitude, malgré la pitié pour nos enfants qui passent des mois sans voir leur cher papa, sans le sentir, je ne puis que l’encourager dans son combat. Je rappelle que c’est le deuxième ramadan que mon époux passe en prison par la volonté d’Alpha Condé. Le prix de ce combat est si élevé pour moi et pour ses enfants, mais nous ne pouvons que l’encourager car il défend la vérité, la justice et le progrès de la Guinée. Si tout le monde abandonne le combat, notre pays ne sera jamais sauvé. Mais tôt ou tard, la vérité jaillira.
Hawa Djan Doukouré (épouse de Oumar Sylla «Fonikè Menguè», prisonnier personnel de M. Alpha Condé)