Rifaat al-Assad, l’oncle du dirigeant syrien Bachar al-Assad, doit être jugé en appel à partir de ce mercredi 5 mai à Paris, soupçonné de s’être constitué frauduleusement un patrimoine immobilier en France évalué à 90 millions d’euros, ce qu’il conteste. Le frère cadet de l’ancien président Hafez al-Assad a été condamné en première instance le 17 juin 2020 à quatre ans de prison avec une confiscation des biens concernés, une décision dont il a immédiatement fait appel.

Absent du premier procès au tribunal pour raisons médicales, ce résident britannique de 83 ans ne devrait pas comparaître non plus devant la cour d’appel, qui réexamine le dossier jusqu’au 14 mai. Ses avocats n’ont pas souhaité s’exprimer en amont du procès. Celui qui se présente aujourd’hui comme un opposant à son neveu Bachar al-Assad est notamment poursuivi pour blanchiment, en bande organisée, de détournement de fonds publics syriens entre 1984 et 2016. Après l’ouverture d’une information judiciaire en 2014, la justice a saisi pas moins de deux hôtels particuliers, de nombreux appartements, un domaine avec château et haras dans le Val-d’Oise ainsi que des bureaux à Lyon, détenus notamment via des sociétés luxembourgeoises.

Ancien pilier du régime de Damas, Rifaat al-Assad fut le chef des forces d’élite de la sécurité intérieure, les Brigades de défense, qui avaient notamment réprimé dans le sang une insurrection islamiste en 1982 dans la ville de Hama. Contraint à l’exil en 1984 après un coup d’Etat manqué contre son frère, il s’était installé en Suisse puis en France avec sa famille et 200 fidèles. Lui qui n’avait aucune fortune familiale en Syrie avait alors bâti un empire immobilier, évalué aujourd’hui à 800 millions d’euros, principalement en Espagne mais aussi en France et en Grande-Bretagne. Rifaat al-Assad assure que sa fortune est « parfaitement licite »: il affirme devoir sa richesse à la générosité d’Abdallah, prince héritier puis roi saoudien, qui l’aurait financé de manière continue entre les années 1980 et sa mort en 2015.  Rifaat al-Assad comparaît également pour blanchiment de fraude fiscale aggravée et travail dissimulé d’employés de maison.  L’association Sherpa, à l’origine de cette procédure, est partie civile.

Décoré de la Légion d’honneur en France en 1986 pour « services rendus », Rifaat al-Assad est menacé d’un procès en Espagne pour des soupçons bien plus vastes concernant quelque 500 propriétés. Il est poursuivi en Suisse pour des crimes de guerre commis dans les années 1980.

Il s’agit de la deuxième affaire de « biens mal acquis » jugée en France, après celle concernant Teodorin Obiang, vice-président et fils du président de Guinée équatoriale, condamné en appel en février 2020 à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende. Dans ce dossier, un pourvoi est pendant devant la Cour de cassation.