Il y a trois ans, le Premier ministre d’Alpha Condé nouvellement nommé estimait, devant l’Hémicycle, les détournements en Guinée de l’ordre de plus de 600 milliards Gnf par an. De l’argent perdu par l’État qui aurait permis de financer plusieurs projets gouvernementaux dont principalement la lutte contre l’extrême pauvreté. Alors même que pour plusieurs observateurs ou fins connaisseurs du fonctionnement de l’administration guinéenne, ce chiffre reste très minimaliste et ne représente que la fumée pendant que le vrai feu reste inestimable et consume notre économie, vu l’ampleur et la banalisation de la corruption dans notre pays.
Pendant les dix années passées sous le régime Condé, la Guinée a connu les plus grands scandales financiers jamais égalés depuis son indépendance. L’argent public a été détourné, des recettes introuvables virées sur des comptes étrangers, dans des paradis fiscaux. Des contrats miniers octroyés de gré-à-gré à des sociétés fantômes inventées de toutes pièces au détriment des populations guinéennes. Nos mines complètement bazardées. Des fonds publics partagés entre copains et coquins à des fins personnelles et électoralistes. Des détournements rocambolesques faisant de la corruption une règle, la discipline budgétaire et la bonne gestion l’exception. Conduisant désormais à la naissance et à l’émergence d’un type de Guinéens faisant du détournement des deniers publics un droit, confondant sa poche privée à la caisse de l’Etat. Entre autres: les 518 (DAAF, Directeurs, comptables,..) et cadres véreux vivants dans le luxe insolent, réalisant avec frasques des immeubles, villas et autres investissements sur le dos du contribuable guinéen, en foulant au pied toute orthodoxie financière dans la gestion des fonds publics. Et tout cela sous le regard complice de la justice.
Ce qui s’est passé en Guinée ces dix dernières années est de l’ordre de l’incroyable au yeux des adaptes de la bonne gouvernance. Tout ce qui explique l’extrême pauvreté, la misère, le chômage, le manque d’infrastructures sociales de bases, d’écoles, de centres de santé, de routes, ponts, les logements sociaux, échangeurs, l’eau, d’électricité… Bref, le refus de créer et de partager la prospérité.
Des scandales financiers
En voici quelques scandales financiers dénoncés dans les médias, qui ont affecté la décennie de la gouvernance Condé : 25 millions $ ( Paladinho); 150 millions $ (fonds angolais); 13 milliards Gnf (ministère de l’Economie et des finances); 122 millions $ (Arperbras); 20 millions $ (BCRG, saisis à Dakar); 10 milliards Gnf (trésor public); 20 milliards $ (prêts contre ressources); 700 millions $ (Rio Tinto); 3 milliards $ (électricité); 2 milliards $ (des infrastructures routières); 90 millions $ (4G orange); 80 millions $ (subvention Electricité); 60 millions $ (fonds Qu’Atar ); 21 millions $ et lingot d’or égarés à la BCRG; 4 milliards Gnf (SOGEAC) ; 11 milliards Gnf (Ministère Agriculture); 200 milliards Gnf (Nabaya Gate); 100 millions $ (conakry ville propre); 34 milliards Gnf ( FIM fond d’investissement Minier); 9 milliards gnf (Cour constitutionnelle); 21 millions $ (Albayrak- BCRG); 30 millions $ (payés à Société AD trade Belgium); 10 milliards gnf (entrepôt pharmacie centrale); 12 milliards gnf (payé par SMD) ; 6 milliards Gnf ( COCAN) ; 35 milliards gnf ( OGP) ; 25 milliards Gnf (OGC); 2.000 milliards gnf, (facture du 3ème mandat, trésor public), etc…. Continuez la liste ! Les Guinéens doivent-ils oublier ces crimes économiques au bénéfice de »Gouverner autrement » ?
Pourtant, des audites (Ministères, régies, directions, institutions, organismes..) auraient permis de répondre aux multiples interrogations des Guinéens de tout bord, sur comment ces montants ont été utilisés ? Ont-ils été détournés ou pas ? Ont-ils été utilisés dans la forme et dans le fond pour l’intérêt général (le service public) ? Où sont-ils stockés ? Ou bien, sont-ils dans des trous pour servir le clan ? Certes, la réalisation d’audits sur ces présumés cas de détournement dénoncés dans la presse entraineraient nécessairement l’agrandissement de « l’Hôtel cinq étoiles de Coronthie » (Maison centrale). Aujourd’hui, la Guinée pourrait servir de projets d’études sur la corruption au sommet de l’Etat.
Où sont les recettes minières et des autres régies ?
Le citoyen guinéen voudrait bien savoir, vu l’expansion de l’exploitation minière dans notre pays, la présence d’une multitude compagnies d’exploitation, faisant de la Guinée premier pays exportateur et deuxième producteur de bauxite au monde, avec 80 millions de tonnes exportées par an. Où vont nos recettes minières et à quoi servent-elles ? Quid de celles des autres régies telles que: le Port autonomes de Conakry (PAC), l’Autorité de régulation des postes et télécommunication (ARPT), l’Office guinéen de publicité (OGP), Office guinéen des chargeurs (OGC)… Cette gestion opaque n’enrichit qu’un groupe de kleptocrates qui profitent du maintien du peuple dans une misère noire.
Déclarer que la Guinée va dépasser économiquement d’autres pays de la sous-région est de l’ordre de la démagogie populiste. Il serait bien pour le porte-mensonge Petit-Bout Kamara de demander des explications sur l’utilisation de ces ‘’montants pourtant non imaginaires » à son maitre à l’occasion du prochain conseil des ministres. Parce qu’à ce stade, on a désormais l’impression que les mémoires se perdent, les discours vont dans tous les sens. Cela me rappelle cette scène de la tragédie du Roi fou. Là, j’appuie sur le frein !
En luttant efficacement contre la corruption, les détournements et la mauvaise gouvernance qui gangrènent notre économie, en ramenant dans les caisses de l’Etat ces milliards de dollars « détournés », ainsi que les recettes issues de nos exploitations minières et de nos régies, l’Etat se porterait mieux. Tout ce qu’il faut pour une répartition équitable du revenu national et un partage de la prospérité au bénéfice du peuple. Choses qui ne sont pas au programme de ce gouvernement et malheureusement Alpha Condé a déjà annoncé les couleurs en ces termes : «Cette année, vous allez souffrir !»
Ahmed Tidiane Sylla,
Responsable de la communication de l’UFR